New airplay stuff
Dead 50sSecurity ThreatFull Blown ChaosCrisis Never EndsHardsideField Of HateCleansweepEnd Of OneVision Of DisorderOne For OneEmbers
  Embers ''The bird fly again'' | S/p records
View all airplay stuff



FEW LEFT STANDING
Few Left Standing
New pics : Questions

COLOMBIA

Bands: 0
Labels: 0
Fanzines: 0
Webzines: 1
Stuff: 0
» View the map

All Ages
» view some books

Raybeez
» Who was Raybeez
Strasbourg hxc scene



Unityhxc.com | Straight-edge lifestyle



EMERGENCE ET PHILOSOPHIE DU STRAIGHT EDGE

1 / LES INFLUENCES DU STRAIGHT-EDGE
A / Les origines lointaines du straight-edge : les liens avec différents mouvements religieux
1) Straight-edge et ascèse
2) Straight-edge et religions actuellement présentes
a) Straight-edge et catholicisme
b) Straight-edge et mormons
c) Straight-edge et Hare Krishna
B / Les origines du straight-edge : le rejet du punk ?
1) Straight-edge et hippies
2) Straight-edge et punk
C / Le H8000 Crew

2 / LE STRAIGHT-EDGE, ENTRE TRADITION ET MODERNITE ?
A / Les principes conservateurs du straight-edge
B / Straight-edge et renversement des valeurs
C / Le straight-edge, une réaction contre l'ordre social dominant
D / Un nouvel esprit de jeunesse ?
E / Le phénomène straight-edge à Salt Lake City
F / La modernité dans le straight-edge

Pour comprendre un mouvement il faut connaître son histoire et ses origines.  Même si l'histoire du straight-edge est courte sous cette appellation, le mouvement possède des ancêtres très anciens, notamment parmi des mouvements religieux ascétiques.  Il a aussi des ancêtres plus récents tels les phénomènes hippie et punk qui ont pu influencer le straight-edge et être en quelque sorte ses précurseurs.  Sur ces bases nous allons tenter de comprendre comment une scène à dominante straight-edge a pu se développer en prenant l'exemple du ‘H8000 crew’ dans les Flandres occidentales belges.
Ayant étudié son histoire et ses origines nous allons alors pouvoir nous interroger sur les principes mêmes du straight-edge qui donnent souvent lieu à des interprétations ambiguës : il existe un véritable paradoxe dans le straight-edge qui associe des principes qui paraissent très anciens à un discours qui se veut novateur et moderne.
L'apparition et le développement remarquable du straight-edge ne correspondent-ils pas à un renversement des valeurs parmi la jeunesse, voire même à un nouvel esprit de la jeunesse ? Le straight-edge comporte en tous cas en son sein d'indéniables principes de modernité, notamment  par l'utilisation d'Internet.


1 / LES INFLUENCES DU STRAIGHT-EDGE

 Le straight-edge peut être appréhendé par la combinaison de deux grandes sources :
  • Le straight-edge comme héritage religieux, à la fois dans ses principes, héritage de l'ascèse chrétienne et dans son existence même, liée à un certain nombre de religions actuelles

  • Le straight-edge comme héritiers de mouvements récents. Comment-a-t-il pu être influencé par les mouvements hippie et punk ou au contraire réagir contre eux ?

  • Enfin, nous verrons comment une scène se crée, en suivant ou non ces influences, en abordant l'exemple du H8000 crew.

    A / LES ORIGINES LOINTAINES DU STRAIGHT-EDGE : LES LIENS AVEC DIFFERENTS MOUVEMENTS RELIGIEUX
    Les origines lointaines du straight-edge sont toutes liées à une certaine forme de religiosité. Deux approches comparatives peuvent être utilisées, l'une diachronique comparant les principes du straight-edge avec ceux de sectes ascétiques millénaires, et l'autre synchronique où le straight-edge même est étudié en lien avec les religions actuelles.


    1) straight-edge et ascèse :
    Le straight-edge ou du moins ses principes, peut être interprété sous l'angle de l'ascèse pour tenter de comprendre en quoi il peut se rapprocher de certaines sectes ascétiques des débuts du christianisme. Les principes du straight-edge et ses différentes définitions doivent être rappelées sous cet angle : Les straight-edgers refusent toute drogue légale ou illégale, ce qui inclut aussi bien l'alcool, le tabac que le cannabis.  Certains acteurs éliminent même tous les produits qui peuvent entraîner une dépendance : sucre ou café.  Le végétarisme et le végétalisme sont également parti intégrante du straight-edge pour un nombre croissant de membres.
    Toutes ses pratiques ont en commun de répondre à la définition de l’ascèse : « manière de vivre de quelqu’un qui s’impose par la volonté certaines privations. Ainsi les straight-edgers et ces ascètes de l’antiquité ont partiellement le même but : «paralyser à la source ces réactions spontanées du corps, à la base de plaisir et de déplaisir, qui nous indiquent d'instant en instant notre degré d'adaptation ou de désadaptation au monde extérieur. »
    On rejoint ainsi la conception du straight-edge en tant que refus de la dépendance.
    Pourtant de grandes différences existent entre le straight-edge et l'ascèse telle qu'elle est pratiquée dans l'antiquité : la justification de l'ascèse pratiquée par les straight-edgers n'est pas de permettre un éveil à la vie mystique et la recherche d'une spiritualité supérieure.  Les formes extrêmes de l'ascèse antique, c'est à dire la mortification, le jeûne temporaire ou l’érémitisme n'ont rien à voir avec les pratiques actuelles du straight-edge.
    Les principes de l'ascèse straight-edge semblent alors nouveaux, pour la simple raison qu’un certain nombre de produits refusés par les straight-edgers n'existaient pas ou n'étaient que très peu répandus au moyen-âge.  L'ascèse telle qu'elle est pratiquée par les straight-edgers ne peut donc qu'être relativement nouvelle et originale.  Aucune filiation avec des mouvements religieux de type ascétique ne peut alors en être déduite.
    On peut pourtant utiliser une autre approche, celle de la comparaison synchronique.


    2) straight-edge et religions actuellement présentes :
    La meilleure façon d'étudier l'influence religieuse sur le straight-edge est donc de dresser un parallèle immédiat à travers deux exemples : Le catholicisme est la religion majoritaire de presque tous les pays où existe une scène straight-edge.  A ce titre, l'exemple mormon qui est le plus médiatisé semble être le plus intéressant. Le Hare Krishna très présent dans la scène straight-edge est également un exemple révélateur.


      a) Straight-edge et catholicisme
    Le catholicisme est évidemment la religion de loin la plus importante dans les pays les plus concernés par le straight-edge.  Qui plus est un certain nombre de groupes se revendiquent ouvertement chrétiens dans leurs paroles tels ‘18 visions’.  On pourrait alors penser que le catholicisme est une influence majeure du straight-edge .
    Un certain nombre d'éléments s'opposent pourtant à cette thèse: le straight-edge et le hardcore en général véhiculent un discours largement anti-religieux. Ainsi ‘Indécision’ dans son morceau blindfold (bandeau) : «Vous avez été frappés par la cupidité connue sous le nom de foi, Vos fausses prophéties victimisent des mensonges si bien ajustés, Ne croyez pas aux mythes, Je ne tomberais pas victime de leurs mensonges ». Ce thème est véritablement commun pour de très nombreux groupes, citons ‘Catharsis’ ou ‘Morning Again’ parmi les plus connus. Pour John, guitariste de ‘Morning Again’ : « le groupe a choisi de ne pas perdre de temps avec la religion et s’oppose à toutes les formes de religion organisée ». Toute forme de religion organisée est ainsi rejetée par une grande partie des straight-edgers. Le discours anti-religieux semble de loin beaucoup plus répandu que celui en faveur d’une religion.
    Le lien entre catholicisme et straight-edge semble donc particulièrement ténu. Aucune conclusion quant aux influences chrétiennes du straight-edge ne peut donc à priori être tirée. L’exemple mormon, plus localisé apparaît beaucoup plus révélateur.


      b) Straight-edge et mormons
    Le mouvement straight-edge connaît un essor particulièrement remarquable à Salt Lake city avec environ un millier de membres.  Le straight-edge y a même été décrit comme le « bras incontrôlable et sanguinaire de cette secte » 
    Le fait est qu'il existe une forte proportion de straight-edgers parmi la population de Salt Lake City.  Une explication a été avancée, celle du substrat favorable : un lien fort existerait entre les principes mormons et ceux du straight-edge : « il n'est pas innocent que ce genre de choses arrive à Salt Lake City (... ) il ne faut pas oublier que la jeunesse a été élevée dans les stricts interdits de la culture mormone. En tête desquels on retrouve bien entendu, la ferme condamnation du tabac, de l'alcool, de la caféine, de la drogue, de l'avortement, de l'homosexualité et de la sexualité avant le mariage ».  Un certain nombre de préceptes sont en effet communs aux deux mouvements : « la parole de sagesse enjoint de s'abstenir de vin, des boissons fortes, du tabac et des boissons brûlantes (thé et café) et recommande l'économie dans la consommation de viande ». Tous ces principes sont en effet ceux d'une partie du mouvement straight-edge .
    Ainsi le straight-edge serait un prolongement normal et naturel, une suite logique au fait d'être mormon.  La différence se ferait simplement par l’étiquetage straight-edge.
    Cette explication à l'essor du mouvement straight-edge dans l'Utah n'est pourtant pas satisfaisante.  Un certain nombre d'éléments font même penser au contraire :
    Tout d'abord l'absence de toute référence religieuse dans les actions et le discours de ces straight-edgers de Salt Lake City. De même, le discours anti-religieux du straight-edge en général. Mais l'élément le plus révélateur semble bien être la peur que la collectivité mormone a des straight-edgers. Ils sont en effet  tous assimilés à un gang, une brigade anti-straight-edge a même été crée à Salt Lake City.  Les violences des straight-edge, un « gang anti-drogue et anti-alcool » sont largement dénoncées.  Le phénomène straight-edge à Salt Lake City est donc particulièrement original, il relève d'une conception extrême et à priori unique du straight-edge.  Le contexte social dans lequel s'est épanoui le mouvement est en effet propre à cet Etat mormon.  Nous reviendrons plus tard sur les explications qu'on peut donner à ce phénomène.


      c) Straight-edge et Hare Krishna
    La situation est largement différente pour le Hare Krishna qui n’est pas une religion traditionnelle des régions occidentales, mais qui a pourtant connu un certain essor dans les scènes straight-edge et hardcore. De nombreux groupes ont eu des membres dévots de Krishna : ‘Youth Of today’, ‘Shelter’, ‘108’, ‘Cro-Mags’, ‘Terrorzone’ ou ‘Seekers Of the Truth’ en France.  Le label Equal Vision records était entièrement consacré aux groupes Hare Krishna dans ses premières années.
    Les liens entre ces deux mouvements peuvent d'abord s'expliquer par le fait qu'ils possèdent des principes communs, ainsi pour Ray chanteur de ‘Shelter’ et ‘Youth Of Today’ « nous suivons en même temps certains principes spirituels, nous sommes célibataires, nous sommes végétariens, nous sommes straight. ». De même pour Joan du fanzine straight-edge et anciennement ‘Krishna Reflections on straight-edge’ : « ce que straight-edge et Hare Krishna ont en commun est en effet le refus de s'intoxiquer.  Pas de drogues, pas d'alcool et dans de nombreux cas du straight-edge, pas de sexe occasionnel.  Le végétarisme est aussi une partie très importante du straight-edge pour beaucoup de gens et est également très important dans le Hare Krishna.  Vivre une vie aussi pure que possible est probablement la meilleure description des deux. »
    Le lien entre les principes des deux mouvements semble bien être l'explication de leur développement parallèle : « Ces principes communs de non utilisation de drogues expliquent probablement l'essor du Hare Krishna dans la scène hardcore.  Mais bien sur Ray Cappo et Shelter, venant du straight-edge et étant très charismatiques  y sont probablement pour quelque chose »
    Le Hare Krishna s'est pourtant développé dans la scène après le straight-edge, comme l'illustre l'itinéraire de Ray Cappo, converti au Hare Krishna après des années de straight-edge. La plupart des dévots de Krishna n'ont d'ailleurs aucun rapport avec la musique hardcore, les canons des chants dédiés à Krishna en étant fort éloignés.
    Qui plus est le Hare Krishna, le plus souvent présenté comme une secte est encore plus sujet aux attaques contre la religion, thème récurrent du discours hardcore.
    Le Hare Krishna ne serait donc pas non plus une influence majeure du straight-edge, mais plutôt le fait d'un certain nombre d'individus déjà straight-edge qui se sont convertis au Hare Krishna.
    Le nombre de références anti-religieuses, comparé au faible nombre de références religieuses nous amènent à penser que la religion n'est pas une influence déterminante du straight-edge, sauf dans certains cas particuliers et très limités liés au mormons et aux dévots de Krishna.  Les origines principales du straight-edge semblent alors beaucoup plus récentes, dans le mouvement hippie et surtout le punk.


    B / LES ORIGINES DU STRAIGHT-EDGE : LE REJET DU PUNK ?
    Le mouvement straight-edge a débuté à la fin des années soixante-dix, c'est à dire après deux grands mouvements de jeunesse : les mouvements punk et hippie.  Le straight-edge semble s'être formé, à la fois influencé par ces mouvements et en réaction à leur encontre.


    1) Straight-edge et hippies
    Le mouvement hippie semble bien être l’opposé du straight-edge, c’est à dire un mouvement de jouissance fondé sur la consommation de drogues et une sexualité extravertie, deux principes largement refusés par les straight-edgers.
    Le mouvement hippie semble de plus avoir existé dans un cadre différent :
    les 500 000 spectateurs présents à Woodstock sont inimaginables à un concert regroupant des groupes straight-edge.  Quelques milliers de personnes présentes serait déjà remarquable.  Le grand festival straight-edge européen, le Vort' N  Vis, à Ypres en Belgique regroupe moins de 2000 personnes.  Le mouvement hippie était beaucoup plus répandu que ne peut l'être le straight-edge aujourd'hui.  Largement lié au hardcore, ce dernier véhiculant des valeurs alternatives, de contre-culture, où l'auto production et l’indépendance sont mis en valeur. Le mouvement hippie est d'ailleurs largement essoufflé à la fin des années soixante-dix et n'est jamais cité en référence par aucune source.
    Toutes ces raisons amènent à penser que l'influence du mouvement hippie sur le straight-edge, si elle existe, est minime, et n'est d’ailleurs même pas envisagée par les acteurs.  La comparaison avec le mouvement punk semble beaucoup plus opérante.


    2) Straight-edge et punk
    « Le straight-edge et sa musique sont probablement issus de la culture punk, par l'adaptation de la musique punk »
    Il semble effectivement que pour tous ceux qui se sont intéressés au mouvement straight-edge, le mouvement punk en soit l'influence majeure.  Le straight-edge a d'ailleurs été crée par d'anciens punk, ou du moins des individus qui écoutaient du punk.
    Il se pose pourtant la question du sens de cette influence, dans la mesure où les deux mouvements semblent aujourd'hui totalement opposés, à la fois dans leur musique et leurs principes.  Le straight-edge serait alors une simple réaction contre un mouvement punk   « autodestructeur ».
    Il existe pourtant un certain nombre d'éléments faisant penser à une influence du punk sur le straight-edge : Le « early straight-edge », musique jouée par les premiers groupes straight-edge old school est très largement apparenté à la musique punk.  L'ensemble du hardcore est d'ailleurs issu de la musique punk, avant que le hardcore ne se rapproche de la musique métal.
    Certains groupes straight-edge jouent aujourd'hui encore une musique que l'on peut qualifier de punk. Les deux mouvements ont également en commun d'être deux mouvements de jeunesse, le punk étant simplement antérieur de quelques années au straight-edge.  Les deux mouvements veulent changer le monde tel qu'ils le perçoivent et ne pas se conformer à l'ordre établi. Richie Birkenhead, ancien membre de Youth of Today,  a « d'abord vu le straight-edge comme quelque chose de très punk, c'était une totale rébellion. Les punks et une grande partie des straight-edgers veulent changer la société et utilisent pour cela le même instrument de communication, la musique.
    Mais c'est également dans cette volonté de changer le monde que résident les principales différences entre les deux mouvements.  Le projet politique du punk comparé au straight-edge est conçu comme beaucoup plus radical, voire comme une absence de projet illustré par le slogan « no future ! ». On parle à ce sujet de « tendances nihilistes du punk rock » Le straight-edge propose un projet basé sur l ‘ascèse, radicalement différent de toutes les propositions des punks pour lesquels l’alcool et la drogue jouent un rôle important. « Le straight-edge a été conçu au début des années quatre-vingt en réaction au nihilisme et à l'autodestruction du punk, adoptant à la place le self control devant les tentations de la jeunesse d'expérimenter la drogue, l'alcool, et le sexe occasionnel ». Le straight-edge serait alors une sorte de « positive punk ».
    Pour un certain nombre de ses membres, le straight-edge est également moins politisé.  Il ne couvre qu'une partie de la vie sociale, la non-consommation de produits considérés comme dégradants. Ce choix relève alors du domaine personnel de l'individu, le straight-edge ne possède pas de véritable projet politique, ni idéologique, même si pour certains le straight-edge n'est qu'une partie d'un tout alternatif destiné à lutter contre le capitalisme.
    Le punk et le straight-edge sont donc fondamentalement liés, même si l'influence du premier sur le second réside en une dialectique d'influence et de réaction. Ainsi pour Ray Cappo « le straight-edge est une attitude punk liée à des principes conservateurs ».
    Mais si les comparaisons entre punk et straight-edge sont aussi nombreuses, c'est peut-être que le punk est le seul mouvement auquel le straight-edge puisse aujourd'hui être comparé.  A la fois les acteurs et les chercheurs ne disposent que de ce seul modèle de comparaison.


    C / LE H8000 CREW
    Le H8000 crew représente la région des Flandres Occidentales en Belgique. Cette partie est consacrée à une étude plus détaillée d’une scène que celle de Washington D.C. entrevue en introduction. Cette étude n’est pas un modèle de développement applicable à toutes les scènes, mais plutôt un exemple intéressant où une scène straight-edge  s’est crée sur un substrat de scène punk et hardcore. Nous essayerons également de comprendre comment les principes du straight-edge ont pu se transmettre jusqu’à aujourd’hui.
    En 1985, une petite scène hardcore et punk existe dans la région. Pour Ed. ancien membre de Rise Above et  Nations on Fire :  «  le straight-edge est apparu en 1985 dans la région, quand j’ai pour la première fois tracé des X sur mes mains au concert d’un groupe punk ». Malgré de nombreuses résistances « la scène nous a d’abord détesté pour avoir importé le straight-edge dans le H8000 crew et la scène belge en général (…) le mouvement se répandit rapidement. (…) Nous étions un groupe d’amis dans chaque ville, nous avons commencé un groupe, Rise Above, alors nous avons joué partout et les gens ont commencé à s’intéresser à notre message ». Certains groupes étrangers ont également contribués à faire connaître le straight-edge dans la région tel Larm de Hollande qui ont pas mal joué ici ».
    De nouveaux groupes se créent autour de l’année 1991 tels Blindfold, Spirit of Youth, Shortsight ou Nations on Fire qui remplace Rise Above. Ces quatre groupes éditent une première compilation  45 tours, Regress No Way sur Warehouse records. Il existe également « tout un tas d’autres groupes moins importants ». Malgré des périodes de désaffection illustrées par Congress, dans leur morceau Lifting the ban : « le phœnix (la scène H8000) renaît de ses cendres », le développement de la scène se poursuit dans les années quatre-vingt dix. Les groupes les plus importants étant Congress et Liar qui sortent plusieurs albums et font quelques tournées européennes.
    Aujourd’hui, la scène se compose « d’une quarantaine de groupes et d’environ 2000 personnes qui viennent occasionnellement aux concerts, la moitié d’entre eux étant des straight-edgers ».  Même si pour Josh « la scène n’est plus aussi grande et il ne reste que quelques groupes straight-edge ». Les membres de Congress ont par exemple abandonné ce mode de vie. Il existe pour lui « une trentaine de groupes actifs et peut être dix plus importants qui sortent des disques (…) Les concerts avec plus de 200 spectateurs sont rares, simplement pour les sorties d’albums ou les groupes américains. »
    Le chiffre de 1000 straight-edgers est en tout cas considérable pour l’Europe où la scène du H8000 crew est partout reconnue et le plus souvent en tant que scène straight-edge. On peut donc s’interroger sur les principes de transmission du straight-edge : comment cette scène a-t-elle pu rester à ce point marquée par le mouvement straight-edge alors que plusieurs « générations » de spectateurs se sont succédés dans le public ? Les membres du H8000 crew sont en effet connus pour leur jeunesse.
    Ed se reconnaît comme un élément ayant contribué à la transmission des principes du straight-edge : « j’ai promu le straight-edge dans des interviews, des paroles. En sortant la musique de groupes straight-edge, en imprimant des T-shirts ou des autocollants ». Pour Josh l’élément central reste les groupes : « aussi longtemps que les groupes straight-edge répandront leurs idées, il y aura un public straight-edge ».Il est également intéressant de noter le «  rôle des stars de la scène, c’est à dire des gens qui dirigent d’importants labels, jouent dans des groupes et sont toujours actifs. Les plus jeunes se référent toujours aux vétérans de la scène ». Cette définition s’appliquant parfaitement à Ed.
    De leurs propos on peut donc déduire plusieurs éléments ayant fortement contribué à la transmission du straight-edge dans la scène du H8000 crew :
    Tout d’abord, le rôle des groupes straight-edge qui vantent le mouvement dans leurs paroles. Notamment Liar, dans leur morceau Invictus :
    « Libérez ceux qui sont esclaves, trouvez la voie pour purifier votre corps et votre esprit, Le straight-edge comme force de vie. Absorbez l’utile, rejetez l’inutile. »
     Il convient de noter à ce titre le rôle du festival du Vort’n Vis à Ypres qui  fait jouer des groupes presque exclusivement straigth-edge, à la fois européens et américains.
    Ensuite celui des labels qui sortent en priorité les disques de groupes straight-edge et accordent une large place aux groupes locaux. Le plus important est Goodlife Recordings, les labels Genet Records et Sobermind Records sont également importants. Les deux derniers ont même sorti en 1998 une compilation CD consacrée aux principaux groupes du H8000 crew. Les labels distribuent aussi par correspondance et lors des concerts, des T-shirts, fanzines et CD.

    Les fanzines, petits magazines non déclarés, sont un autre élément important. Il existait même un nommé  H8zine, ainsi que des dizaines d’autres, presque tous fait par des straight-edgers. Malgré une durée de vie souvent éphémère, quelques numéros avec une parution irrégulière, ils sont encore nombreux. Les fanzines se composent le plus souvent de chroniques CD, concerts, d’interviews et surtout de colonnes d’opinions largement dédiées à la promotion du straight-edge.
    Le fait qu’une majorité de scenesters soit straight-edge donne également peu d’opportunités de ne pas l’être aux nouveaux entrants dans la scène, notamment parce qu’il existe des réseaux de sociabilités propres aux scenesters et aux straight-edgers en particulier. Quelle alternative quand tous ses amis sont straight-edge? Suivant l’exemple du H8000 crew, les principes du straight-edge se sont répandus à l’ensemble de la Belgique. Il faut également remarquer qu’encore une fois le développement du straight-edge et du hardcore sont liés. Cette étude, dans une vision plus ethnologique du straight-edge permet de mieux comprendre comment existe concrètement une scène. Ces indications seront utiles pour comprendre les particularismes du straight-edge en général et des straight-edgers en particulier.
    La faible influence des mouvement religieux sur le straight-edge, sauf dans certains cas très particuliers liés aux Hare Krishna et aux mormons, font qu’on ne peut pas véritablement parler d’origines  lointaines du straight-edge.
    Le mouvement punk par contre est l’influence majeure du straight-edge qui semble s’être construit en une sorte de dialectique entre l’influence et les réactions face au mouvement punk.
    L’exemple du H8000 crew nous ayant permis de voir comment le mouvement straight-edge avait pu se créer, s’épanouir et se maintenir dans une scène.
    Nous pouvons alors nous intéresser plus particulièrement aux principes du straight-edge et au contexte social dans lequel il est apparu.


    2 / LE STRAIGHT-EDGE, ENTRE TRADITION ET MODERNITE ?

    Les principes du straight-edge sont souvent décris comme conservateurs, alors qu’une partie du discours straight-edge se veut résolument moderne et progressiste. Comment résoudre cette contradiction et expliquer  alors l’apparition de ces principes et du straight-edge en général ?
    Plusieurs thèses sont avancées :
    Le straight-edge correspondrait à un renversement des valeurs parmi une certaine jeunesse animée d’une volonté de changement, ces valeurs a priori traditionnelles formant en fait avec d’autres un ensemble en réaction contre la pensée dominante.
     Le straight-edge peut également être analysé comme une réaction contre l’ordre social considéré comme dominant. De cette réaction un nouvel esprit de la jeunesse serait même apparu, esprit beaucoup moins favorable à la consommation de drogues.
    Ces thèses semblent en fait liées, mais il faut garder à l’esprit que les explications peuvent être différentes pour des scènes différentes. Ainsi Le cas de Salt Lake City semble contredire ces explications. Enfin le straight-edge présente un aspect moderne dans son utilisation d’Internet.


    A / LES PRINCIPES CONSERVATEURS DU STRAIGHT-EDGE
    L’abstinence de l’alcool, du tabac, de la drogue et dans certains cas de la viande, ainsi que l’usage modéré du sexe, (pas de sexe occasionnel) a conduit à qualifier ses principes d’ascétiques, voire même à comparer le straight-edge avec des mouvements religieux. Même si l’analogie n’est pas évidente, il s’agit de « principes conservateurs » de l’aveu même d’un certain nombre d’acteurs.
    L’alcool, la drogue sont associés dans l’imaginaire collectif occidental à une transgression de l’ordre social, tandis que l’ascèse renvoie au respect de l’ordre social, à la religion, au conservatisme. Ces principes semblent donc incohérents avec une partie du discours straight-edge, qui se considère comme un mouvement nouveau, un vecteur de changement. Le straight-edge est pour la grande majorité de ses acteurs une force progressiste qui doit faire évoluer l’ensemble de la société. Ainsi ‘Culture’ dans leur morceau Oath (serment ) chantent :
    « Je ne peux pas totalement  vous en vouloir, vous avez été conditionné par la tradition, comme tant d’autres avant (…) mais c ‘est là que nous nous situons, vegan, straight-edge ( …) mon but est la libération, auto-détermination, mon but est la révolution, révoltez vous. »

    B / STRAIGHT-EDGE ET RENVERSEMENT DES VALEURS
    Ainsi le straight-edge réintroduit des valeurs traditionnelles, conservatrices, prônant certaines formes d’ascèse, ce qui semble être en contradiction avec un discours progressiste. Cela semble d’autant plus étrange que le straight-edge est un mouvement en vogue parmi la jeunesse. Or nous avons vu que le straight-edge est un mouvement de changement parmi une certaine jeunesse héritière en quelque sorte du mouvement punk. Les straight-edgers cultivent leur altérité et refusent le mainstream. Les membres de Congress dans l’introduction d’un de leurs albums scandent : « nous, en tant que groupe, voyons la communauté hardcore comme une menace pour le mainstream ».
    Le mainstream, tendance dominante, représente pour les straight-edgers une sorte de pensée unique en vogue parmi les jeunes qui n’appartiennent à aucun mouvement alternatif. Pour les straight-edgers, la vie de ces jeunes est organisée autour de l’alcool et de la drogue. Leurs sorties se résumant à la visite de bars et de discothèques où tout le monde ou presque fume et boit.
    De plus, le straight-edge ne peut être résumé à un ensemble de principes ascétiques :
      «  les groupes straight insistent sur l’amitié, la sincérité, les rapports humains et l’affirmation de soi par d’autres moyens qu’une pseudo rébellion prenant la voie de l’autodestruction par l’absorption de produits nocifs »
    Youth of Today dans leur morceau  ‘together’ clament  :
    “j’ai grandi avec des gars, que je peux vraiment appeler mes amis, ils sont là depuis le début, et seront là jusqu’à la fin »
    Le straight-edge regroupe donc un ensemble de pratiques et de valeurs alternatives, de refus du mainstream : Le rapport à la musique est d’abord largement différent. Les  principales sorties des straight-edgers sont les concerts. Les lieux traditionnels de sortie des jeunes dans le mainstream, bars ou discothèques ne peuvent convenir aux straight-edgers à cause de la consommation d’alcool qui est encouragée, et de la musique mainstream qui est écoutée.
    Le hardcore exige de la part de ses membres un engagement important. Les straight-edgers font partie d’une scène qu’il faut faire vivre en jouant dans un groupe, en créant un fanzine, une liste de distribution, en organisant des concerts ou même en y assistant : « De nombreux straight-edgers actifs organisent localement des concerts et en font la promotion autour de chez eux en collant des affiches ou en utilisant les bulletins d’information straight-edge et hardcore ».
    Ainsi il existe une véritable dimension de participation, notamment aux concerts où il faut entretenir le bon esprit et respecter les autres spectateurs, surtout si l’on danse de façon violente. De plus le micro est souvent tendu aux spectateurs qui connaissent les paroles des groupes:
    « Autant que vous pouvez, faites votre part de travail, aidez à organiser des concerts, des listes de distribution, distribuez des flyers à vos amis ».
    Les membres de la scène hardcore, dont les straight-edgers proclament leur différence en refusant le gros, le vendu, le commercial :
    « La musique straight-edge est d’abord indépendante ; la majorité des groupes ne sont pas signés sur des majors comme Atlantic, Geffen ou Sony. Les groupes commencent à jouer dans leurs scènes locales, enregistrent des démos et ensuite dépassent généralement leurs scènes locales à travers les réseaux du straight-edge et du hardcore tels les fanzines, les pages web, les systèmes de distribution et le bouche à oreille ».  Le sell-out (vendu) est un thème traditionnel du discours hardcore. On oppose le Do It Yourself (littéralement faites-le vous-même, DIY) qui favorise l’auto production avec de petits moyens, aux gros labels. Les groupes qui signent sur ces labels étant parfois qualifiés de traîtres. Les clip-vidéos, les codes-barres, voire le format CD  sont refusés par une partie de la scène, car considérés comme trop commerciaux. Le Do It Yourself n’est pas seulement un principe de distribution, il permet également de garantir des prix très bas pour les acheteurs :
    «La nature indépendante du hardcore permet à la majorité des straight-edgers d’accéder aux concerts à bas prix (…) l’absence de gros labels permet aussi aux disques d’être peu chers. Ils peuvent également être obtenus en version vinyle, ce qui en diminue encore le prix ».
    Certaines listes de distribution maintiennent tous  les prix de leurs CD (neufs) en deçà de 55 francs en fonctionnant par échange et en ne payant pas de taxes.
    Le rock est dénoncé comme une musique du mainstream donc commerciale. Le terme même de rock est uniquement péjoratif : un groupe qui a des prétentions trop importantes se verra dénoncer comme ayant la « rock star attitude ». Les influences rock sont cachées et détournées en des expressions telle « émo-pop ».
    Les principes du straight-edge s’inscrivent bien dans un ensemble de valeurs alternatives. Dans ses valeurs liées à la musique, notamment la diffusion par des listes de distribution, le straight-edge semble aujourd’hui  à première vue archaïque. Il suit en fait une certaine logique particulièrement quant aux valeurs du Do It Yourself qui circulent largement dans les scènes straight-edge, et quant aux faibles tirages de la plupart des groupes qui débutent. Ces valeurs forment surtout ensemble un système de pensée alternative contre le mainstream.
    Il faut pourtant noter que « la musique hardcore suit un modèle vers le succès similaire à celui que les autres musiques /sous-cultures adoptent ».
    Même si les valeurs du straight-edge sont des valeurs anciennes, elles ne correspondent pas à celles de la jeunesse dans le mainstream telles qu’elles sont vues par les straight-edgers. Ceci posé nous pouvons avancer quelques éléments pouvant expliquer l’apparition et l’essor du straight-edge.

    C / LE STRAIGHT-EDGE,UNE REACTION CONTRE L’ORDE SOCIAL DOMINANT
    Une explication est privilégiée par les journalistes pour expliquer l’apparition et l ‘essor du straight-edge. Le straight-edge serait une réaction contre l’ordre social dominant, réaction d’une telle ampleur que l’on pourrait parler d’un nouvel esprit de la jeunesse, ou du moins d’une partie de la jeunesse. Ainsi pour C. Centner :
    «Le straight-edge est une sous-culture qui résulte d’une domination sociétale : la population colossale des gens qui boivent, prennent des drogues, ont des relations sexuelles avec des partenaires occasionnels (…) et gouvernent la moralité des Hommes ».
    Alors que la transgression et la contestation de l’ordre social se faisaient dans les années 50, 60 et 70 en partie par un usage immodéré des drogues légales ou illégales- pensons simplement aux beatnicks et aux hippies- elle prendrait dans les années 80 et surtout 90 une toute autre voie : le refus de ces drogues.  « Le sociologue américain Howard Becker nous rappelle que beaucoup de gens ont suggéré que la culture résulte essentiellement d’un problème auquel est confronté ensemble un groupe d’individus, dans la mesure où ils sont capables d’interagir et de communiquer effectivement entre eux. (…) Dans les années 80, des jeunes ont exprimé leur mécontentement vis à vis des standards sociaux, en créant un collectif et en se nommant straight-edge. L’Amérique des années 80 représentait une époque où les drogues telle la cocaïne devinrent une partie à la mode de la vie sociale. Les gouvernements conservateurs ont crée des programmes inefficaces, tels « il suffit de dire non », et ont sponsorisé des publicités télévisées sur le thème de la drogue pour repousser le public de son usage. Les straight-edgers des années 80 ont crée leur propre façon de rester en dehors de la drogue, en formant un système épousant l’idée que l’usage de la drogue était immoral, et non pas simplement dangereux. »
    Il existe donc une opposition quasi caricaturale et schématique entre une Amérique du mainstream, dotée d’une forte propension à se droguer, et des jeunes straight-edgers en révolte contre ce qu’ils considèrent comme une glorification de la drogue.
    « En même temps que les reportages des médias sur le retour de la popularité de l’héroïne, et diverses études affirmant que les jeunes aient des relations sexuelles et se droguent à un âge de plus en plus précoce, il est spécialement signifiant que le straight-edge soit en pleine expansion. Contrairement à ce que leurs parents peuvent penser, alors que les preuves de l’usage de drogue, des relations sexuelles occasionnelles et du sida deviennent évidentes, les jeunes ne se précipitent pas pour adhérer aux statistiques. Au contraire, quelques jeunes répudient ces pratiques en joignant un collectif qui s’y oppose. Ayant grandi avec la drogue et le sida, le straight-edge est un cri contre cette époque. »
    Ainsi cette révolte contre la drogue ne concerne bien qu’un groupe de jeunes et pas l’ensemble de la jeunesse. Révolte qui ne se fait pas simplement contre les drogues à la fois légales et illégales, mais contre tous les principes du mainstream. Pour Ryan Spellecy, straight-edger et assistant de philosophie : « l’organisation du straight-edge constitue une rébellion contre une culture qui glorifie l’héroïne et l’idée qu’il faut porter des jeans de marque Guess pour être cool. »


    D / UN NOUVEL ESPRIT DE JEUNESSE ?
    Il semble en tout cas qu’à ses débuts l’image du straight-edge était largement négative : « ce n’était pas du tout cool d’être straight-edge (…) il n’y avait pas un straight-edger à New-York»[82]. Le statut du straight-edge ne semblait pas meilleur en Europe : « les gens m’ont d’abord détesté pour être straight-edge (…) des individus dans et en dehors de la scène voulaient se battre avec nous pour ce seul fait ». Par contre, aujourd’hui cette image serait beaucoup plus positive, non seulement au sein de la jeunesse impliquée dans des mouvements alternatifs, mais en général dans toute la population : « il semble que le bon vieux temps du sex, drugs and rock’n roll soit révolu, car le straight-edge a le vent en poupe tous les sociologues américains vous le diront (…) les jeunes refusent les drogues de toute sorte, car ils associent la drogue aux vieilles générations qui sont à leurs yeux pathétiques et résignées ».[84] Plus sérieusement : « Des chercheurs britanniques ont détecté un changement dans l’attitude des jeunes, qui suggère que leurs pensées soient étrangement en accord avec les idéaux du straight-edge. J’ai remarqué que de plus en plus de jeunes au début de l’adolescence disent qu’ils ne prendront jamais de drogues, dit Mark Ratcliff qui dirige un centre de recherche sur la jeunesse. Ils ne disent pas ça à cause de risques pour leur santé, mais parce que les drogues sont vues comme appartenant à une génération ancienne et plutôt pathétique. Il y a quelques années, vous n’auriez pas du tout vu la même chose. Les jeunes prétendraient même avoir pris des drogues. »
    L’apparition du straight-edge s’expliquerait donc par un certain nombre de facteurs : un renversement des valeurs parmi une partie de la jeunesse, liée à une réaction contre l’ordre social dominant ou du moins considéré comme tel, réaction qui inciterait à conclure à l’existence d’un nouvel esprit de la jeunesse ou d’une partie de la jeunesse.
    Cette explication est utilisée sous une forme ou une autre, par tous ceux qui se sont intéressés  au straight-edge et à ses origines. Elle possède pourtant des limites : le punk est lui aussi une réaction contre un ordre social dominant, lui aussi refuse le mainstream, mais ses principes sont opposés à ceux du straight-edge. Comment également expliquer l’apparition du straight-edge dans les années 80 et son essor dans les années 90 et non pas avant : les décennies 60 et 70 semblent aujourd’hui avoir été tout aussi favorables aux drogues que les suivantes. On pourrait alors considérer que cette explication ne sera valable que pour les Etats-Unis, mais même dans ce cas elle conserve des limites.
    Cette explication de l’origine et de l’essor du straight-edge nous semble vraisemblablement l’explication principale même si elle demeure insuffisante. Un cas pose particulièrement problème, celui de Salt Lake City.


    E / LE PHENOMENE STRAIGHT-EDGE A SALT LAKE CITY
    L’essor du straight-edge à Salt Lake City où il compte un millier de membres, ne peut à  priori pas s’expliquer par l’hypothèse précédente. En effet l’ordre social ne semble pas défavorable au straight-edge dans la mesure où les mormons qui sont majoritaires dans la ville, s’abstiennent en grande partie de vin, de boissons fortes, de tabac et partiellement de viande comme nous l’avons vu précédemment. L’importance de la religion dans la ville, ainsi que son image de quiétude nous conduisent pourtant à penser que pour un certain nombre de jeunes à priori sans rapport avec la religion, tel  la majorité des straight-edgers, le climat social doit être considéré comme oppressant.
    Parmi les straight-edgers de Salt Lake City, il y en aurait « 200 violents et 50 dangereux ».
    Le phénomène de gangs straight-edge à Salt Lake City a été largement couvert par la presse, Le Nouvel observateur en France ou Time Magazine aux Etats-Unis. Cependant ces gangs straight-edge « ne sont pas les pires, ils n’ont même pas d’armes à feu ». Ils peuvent pourtant « frapper quelqu’un parce qu’il fume une cigarette ».
    Comment expliquer ce phénomène de gang straight-edge qui, s’il n‘est pas unique atteint une degré supérieure à Salt Lake City. Pour D. Williams, directeur de l’agence anti-gang du Midwest « dans de petites communautés comme Salt Lake City, il est plus facile  aux groupes violents de s’infiltrer. Il n’existe pas une population suffisante pour supporter tous les styles de vie alternatifs, alors ils se mélangent et échangent des idées. » C’est la raison pour laquelle des individus violents auraient fini par rejoindre les rangs du straight-edge.
    L’hypothèse de la réaction contre l’ordre social dominant est pourtant encore plausible à Salt Lake City. Même si l’environnement social semble favorable au straight-edge, les straight-edgers se sentiraient quand même opprimés. Ils réagiraient alors en utilisant la violence. Mais cette explication ne fonctionne pas pour les straight-edgers non-violents qui sont largement majoritaires.
    Dans tous les cas le straight-edge serait une réaction contre l’ordre social, mais chez certains individus, cette réaction atteindrait un paroxysme : la violence contre les non straight-edge. Ces explications paraissent bien les plus à même d’expliquer l’essor et les formes prises par le phénomène straight-edge à Salt Lake City.
    Si le straight-edge possède effectivement des éléments faisant penser à des principes conservateurs, il possède également des aspects modernes.


    F / LA MODERNITE DANS LE STRAIGHT-EDGE
    Quels instruments peut utiliser un mouvement musical contemporain pour posséder une approche moderne? Dans le cas du straight-edge il semble que la modernité soit liée à l’usage d’Internet. Il ne s’agit en tout cas pas ici de comparer cet usage avec celui fait par d’autres mouvements dans la mesure où il nous semble impossible d’évaluer l’importance d’Internet pour d’autres mouvements.
    Il existe en tout cas « des centaines de sites » dédiés au straight-edge sur Internet, on peut donc s’interroger sur les raisons qui poussent les straight-edgers à utiliser Internet. Quel est également la nature du message délivré ? Comment s’organisent les sites ? Qui fait ces sites ?
    Les centaines de sites Internet dédiés au straight-edge sur Internet sont élaborés par différents types d’acteurs qui possèdent chacun leur intérêt et leur logique propre dans leur usage d’Internet. Il convient de distinguer les travaux universitaires, les labels, les groupes, les fanzines et les collectifs d’individus. En ce qui concerne les travaux universitaires, il n’a été possible de trouver qu’un seul mémoire dédié au straight-edge sur Internet, le travail de Courtney Centner réalisé en 1998 à l’université de Melbourne et intitulé « la culture straight-edge dans les années 90 ». La rareté des travaux universitaires sur Internet peut s’expliquer tout simplement par la rareté tout court de ces travaux. L’intérêt de la publication sur Internet est alors de se faire reconnaître dans la scène par ses travaux et de donner aux straight-edgers une autre vision de leur mouvement.
    Par contre de nombreux labels punk et hardcore sont installés sur Internet. Labels straight-edge ou non mais qui distribuent des disques de groupes straight-edge. Le but de cette implantation est alors de se faire connaître à un public plus large ainsi que de proposer une meilleure accessibilité du catalogue. Revelation Records par exemple, possède un site très important où est exposé le catalogue et les sorties les plus importantes de l’ensemble de la scène Hardcore.
    De nombreux groupes straight-edge, de diverses nationalités possèdent un site Internet. Ces groupes sont américains pour la plupart, mais aussi canadiens, italiens, bulgares ou polonais. La quasi-totalité des sites est en anglais, langue internationale que tous les scenesters connaissent au moins partiellement. Le site d’un groupe possède le plus souvent des photos de ce groupe, des interviews, la discographie, les dates de tournée et les futurs projets du groupe. Les informations sont alors plus facilement accessibles et le contact en est favorisé et plus rapide. Le groupe Snapcase possède un site qui en est un très bon exemple.
    Il existe par contre peu de fanzines en lien avec le straight-edge sur Internet. Ce sont soit des fanzines dédiés au punk ou au hardcore réalisés par des non straight-edge mais proposant des interviews et chroniques musicales de groupes straight-edge, soit des fanzines réalisés par des straight-edgers et dans ce cas il y a de fortes chances pour que des colonnes soient dédiées à ce mouvement. Ces fanzines sont le plus souvent une transposition sur Internet de la version papier. Il est intéressant de noter qu’un fanzine suisse a proposé à ses lecteurs une présentation du straight-edge.
    Ces sites dédiés au straight-edge et réalisés par ce que nous appelons faute de mieux, les collectifs d’individus, sont beaucoup plus intéressants dans leur présentation du mouvement. Le plus connu est ‘straight-edge.com’ qui sans un problème de compteur aurait très probablement dépassé les 500 000 visites. Ce site est principalement dédié à la promotion du straight-edge sans pour autant en négliger les aspects musicaux. Ainsi le but du site semble être de présenter les principes du straight-edge aux éventuels visiteurs qui ne connaîtraient pas le mouvement. Il s’agit cette fois d’une communication ouverte aux non straight-edgers désireux de se renseigner sur le straight-edge.
    Straight-edge.com est composé principalement d’une définition du straight-edge et d’un rapide historique du mouvement ; d’une page d’annonce de concerts aux Etats-Unis ; d’une page de chroniques musicales de groupes straight-edge hardcore et d’une page de liens renvoyant à d’autres sites Internet.
    On peut déduire certains objectifs communs à tous ces sites : ils visent à promouvoir le mouvement straight-edge ou du moins à le faire connaître, mais ils sont le plus souvent liés à la musique, que ce soit par l’intermédiaire des groupes ou des labels.
    Il convient de noter que de nombreux sites font partie du straight-edge Web Ring. Cet anneau est en fait un ensemble de liens hypertextes unissant les sites en rapport avec le straight-edge et qui souhaitent s’y inscrire. Accéder à un de ces sites permet d’avoir accès à de nombreux autres. Cet ensemble de sites Internet liés au straight-edge ainsi que leurs visiteurs, permettent de donner une nouvelle vision de la scène :
    « L’accessibilité de la technologie moderne permet aux jeunes de participer aux scènes straight-edge de leur ordinateur dans leur chambre. Dans la mesure où de nombreux straight-edgers vivent dans de petites villes, en dehors des grandes agglomérations où les plus grandes scènes existent, participer physiquement à cette sous-culture [le straight-edge] est difficile. Cependant , les jeunes possédant des ordinateurs créent un domaine virtuel où le straight-edge s’épanouit; les straight-edgers dans les plus petites villes utilisent maintenant leurs modems pour les emmener là où ils ne peuvent aller physiquement, franchissant virtuellement des océans et des Etats pour participer [au mouvement]. Créer un fanzine, une page web ou une liste de distribution ne demande que de pianoter sur un clavier. (…) La petite scène des années 80 s’est étendue de Washington et New-York au monde entier »
    Ainsi l’usage d’Internet par les straight-edgers permet non seulement de faire connaître le mouvement, d’en renseigner régulièrement les membres mais aussi de renforcer l’idée de l’existence d’une scène straight-edge internationalement unie.
    La première partie de ce mémoire, d’abord axée sur l’étude des origines des principes ascétiques du straight-edge, puis étendue à l’ensemble du mouvement et des pratiques alternatives qui y sont liées a permis d’avancer une hypothèse pour expliquer l’apparition puis le développement du straight-edge dans le contexte social des années 1980 et 1990.
    Pour ce faire, il a fallu présenter une perspective de plus en plus large du straight-edge. Cette partie aura donc été également l’occasion de mieux cerner le mouvement par des observations d’ordre ethnologique : la conception et la vie d’une scène, l’éthique du Do It Yourself ou les sorties des straight-edgers, même si tout cela peut sembler n’être que des banalités pour un observateur connaissant le fonctionnement d’une scène musicale alternative.
    Le straight-edge en Finlande nous semble être un bon résumé de cette partie :
    « Le straight-edge en Finlande est presque la même chose que dans les autres pays. Les straight-edgers ne boivent pas,  ne prennent pas de drogues, ne mangent pas de viande, ne fument pas  etc. Sur le problème des relations sexuelles ils sont tolérants. Ils pensent qu’il est possible d’avoir des relations  avec un partenaire occasionnel, mais seulement si les deux parties comprennent parfaitement la situation. Ils sont très intéressés par des problèmes sociaux, discutent beaucoup des droits des animaux, des droits de l’ Homme, de problèmes environnementaux etc. Une partie d’entre eux sont devenu des dévots de Krishna,  d’autres non. Ils participent à des manifestations et une partie d’entre eux ont des opinions que l’on pourrait qualifier d’anarchistes à propos du travail et du système social. La musique hardcore est pour eux très importante et ils possèdent également cette éthique qui vient du punk, le Do It Yourself, ce qui signifie qu’ils organisent des concerts, publient des livres et des fanzines etc.  »


     




     
    Disagree records
    Advertise with unityhxc.com ?