![]() LES PARTICULARISMES DU STRAIGHT EDGE 1 / LE STRAIGHT-EDGE EN TANT QUE MOUVEMENT A / Les cadres traditionnels d'�tudes des groupes et mouvements sociaux2 / DU DISCOURS A L�ACTION DE STRAIGHT-EDGE A / Le discours straight-edge1) Les vecteurs du discours straight-edgeB / La diversit� des approches du straight-edge 1 / LE STRAIGHT-EDGE EN TANT QUE MOUVEMENT Comment �tudier le straight-edge en tant que mouvement�? Plusieurs possibilit�s s�offrent � nous�: soit nous consid�rons que le straight-edge est une organisation comme d�autres, il peut donc �tre �tudi� parmi les autres groupes sociaux, en utilisant les m�thodes traditionnelles de la psychosociologie et de la sociologie. Ou alors nous consid�rons que le straight-edge est un mouvement singulier, qu�on ne peut donc pas comparer, ou bien que du fait de la relativit� des donn�es sur le straight-edge, il soit difficile de l�inscrire dans des cadres traditionnels. Il faut alors proposer une d�marche alternative�: Si le straight-edge ne rentre pas dans les cadres d��tude traditionnels, en quoi peut-il �tre consid�r� comme un mouvement�? Poss�de-t-il des leaders, des dirigeants�? Que pensent les straight-edgers � ce sujet�? Enfin est-il possible d��tudier le straight-edge dans ses sous-divisions�: les crews�? A / LES CADRES TRADITIONNELS D�ETUDES DES GROUPES ET MOUVEMENT SOCIAUX Le straight-edge peut-il s�int�grer dans une �tude de psychosociologie concernant les groupes sociaux�? Qu�est exactement le straight-edge au regard de cette discipline�? un groupe, un mouvement, une communaut�? Peut-on comparer le straight-edge avec d�autres mouvements�? Avec quels instruments�? Int�grer le straight-edge dans ces �tudes traditionnelles, c�est en quelque sorte d�laisser une certaine approche ethnologique au profit de m�thodes de sociologie et de psychologie sociale. Le cadre privil�gi� d��tude en psychosociologie est celui des groupes sociaux, d�o� est d�riv�e l��tude des mouvements. Consid�rons donc d�abord le straight-edge comme un groupe�: pour qu�un ensemble d�individus se transforme en groupe social, plusieurs conditions sont exig�es�: il faut que ces individus aient une certaine forme d�interaction sociale entre eux, habituellement face � face. Il faut de plus qu�ils aient un but commun et enfin il faut qu�ils s�influencent ou bien qu�il y ait une interd�pendance entre les diff�rents membres du groupe. Or le straight-edge ne remplit que tr�s partiellement ces conditions�: la taille et la dispersion g�ographique du straight-edge entre diff�rentes sc�nes, emp�che l�existence d�un niveau suffisant d�interactions sociales, qui plus est face � face. L�existence d�un but commun aux straight-edgers n�est pas certaine, de m�me que l�interd�pendance entre les diff�rents membres du groupe. Ainsi l��tat de nos connaissances sur le straight-edge et sur les groupes sociaux en g�n�ral, nous emp�che de consid�rer le straight-edge sous cet angle de la psychosociologie. Il nous faut alors utiliser une autre approche. Nous l�avons dit, un mouvement semble assez proche du straight-edge par certains de ses aspects�: le punk. Est-il alors possible de comparer straight-edge et punk�? Par quels instruments�? Nous avons partiellement proc�d� � cette comparaison au niveau des principes et de certaines valeurs. Il faudrait garder la m�me d�marche dans l�aspect organisationnel des deux groupes. Un probl�me majeur se pose imm�diatement�: la faiblesse des �tudes consacr�es au mouvement punk dans son aspect organisationnel. Il ne nous para�t donc pas possible d�utiliser une m�thode comparative pour l��tude du straight-edge en tant que mouvement. Les cadres d��tude de la psychosociologie �tant inop�rants pour le straight-edge en tant que groupe social et mouvement�; la m�thode comparative avec le punk ne paraissant pas possible non plus�; il va donc falloir utiliser d�autres m�thodes pour �tudier cet aspect du straight-edge. B / LE STRAIGHT-EDGE EST UN MOUVEMENT POUR SES ACTEURS Le chapitre pr�c�dent semble nous obliger � �tudier diff�remment le straight-edge. Quel est alors le discours des straight-edgers sur la question�? Se consid�rent-ils comme membres d�un mouvement�? Et pourquoi se consid�rer comme membres d�un mouvement, alors que d�une certaine fa�on cela revient � s�exclure�? Si nous avons en fait depuis le d�but de cette �tude parl� de mouvement straight-edge, c�est bien parce qu�une grande partie des straight-edgers proclame son appartenance au mouvement straight-edge. Le discours sur le straight-edge en tant que mouvement semble � premi�re vue univoque�: Le cr�ateur du terme straight-edge Ian MacKaye consid�re que ��le mouvement avait en quelque sorte commenc� [vers 1985]�� m�me si ��dans mon esprit cela ne m�int�ressait pas que cela soit un mouvement. Le straight-edge s�est d�velopp� � l�inverse de mon id�e initiale dans laquelle il n��tait qu�un concert d�individus, ce qui s�oppose � un mouvement��. Pour l�une de ses principales figure le straight-edge s�est donc tr�s t�t (au milieu des ann�es 80) constitu� en mouvement et non plus simplement en un ensemble d�individus. Selon Time magazine, le straight-edge est ��un mouvement non structur� de jeunes gens���. On retrouve ici l�id�e d�absence d�organisation dans le straight-edge ce qui renvoie au probl�me du leadership que nous traiterons plus tard. Courtney Centner consid�re-elle que�: ���quand les membres de cette sous-culture [le straight-edge] parlent du straight-edge, ils y font le plus souvent r�f�rence comme d�un mouvement. La notion de straight-edge en tant que mouvement r�sulte d�un d�sir de cette sous-culture � la fois de s�abstenir de et de changer un aspect de la soci�t� qui est devenu normalis頻. Pour Courtney Centner le straight-edge est donc un mouvement dans le discours de ses membres, et le fait de se consid�rer comme membre d�un m�me mouvement vient d�un rejet d�un aspect de la soci�t�, que nous appelons le mainstream. Nous consid�rons �galement que le straight-edge est un� mouvement m�me s�il ne rentre � priori pas dans les cadres d�analyses traditionnels des sciences sociales. Le straight-edge est en effet un mouvement pour la majorit� de ses membres. Le straight-edge est donc un mouvement dans le sens o� il rassemble des individus dot�s de principes communs et qui ont pleinement conscience de leur appartenance � ce mouvement. Pour C. Centner le straight-edge se constitue en mouvement � cause du mainstream�: ���les sous-cultures comme le straight-edge se s�parent volontairement de leurs contemporains pour �tablir un style qui �voque une repr�sentation collective du groupe comme s�par� de la populace.�� Comprendre comment le straight-edge, ou plut�t les straight-edgers se s�parent du mainstream peut nous aider � comprendre ses origines. C / LES INSTRUMENTS DE L�AFFIRMATION D�UNE IDENTITE STRAIGHT-EDGE Le straight-edge se constitue donc en mouvement en s�excluant du reste de la soci�t�, du moins de ce qui est consid�r� comme appartenant au mainstream. Nous avons envisag� partiellement cette s�paration au niveau des principes et de certaines valeurs du straight-edge, il convient maintenant d�envisager les instruments de l�affirmation de cette identit� de groupe. Ces instruments peuvent-ils par ailleurs valider notre hypoth�se sur l��mergence et le d�veloppement du straight-edge en r�action contre l�ordre social dominant�?
Il existe � priori trois s�ries d�instruments diff�rents�: les concerts�; l�allure, les v�tements et le X�; Internet. 1) Les concerts Le straight-edge �tant intimement li� � la musique, les concerts sont des endroits privil�gi�s pour clamer son appartenance au straight-edge, ce qui n�est pourtant pas la seule fonction des concerts. ��Les concerts hardcore sont le lieu o� les straight-edgers se rassemblent pour exprimer collectivement leurs croyances, rencontrer des gens qui partagent leur philosophie et juste pour s�amuser (�) simplement en assistant � un concert ou en chantant les paroles dans leurs chambres, les kids assurent la notion de groupe uni contre des ennemis communs, renfor�ant les individus dans leurs croyances. L�intensit� de l��motion, de l�insurrection et du contentement � un concert, r�sultant du rejet de pratiques sociales sp�cifiques et la reconnaissance du fait que ��vous n��tes pas seuls�� est �videmment une �nergie puissante�. En effet l�intensit� des concerts atteint un paroxysme pour les groupes straight-edge hardcore. Le public conna�t les paroles des groupes et les scande fi�rement, nombreux sont ceux qui tentent pour cela de s�emparer du micro. Des groupes submerg�s par l�enthousiasme des spectateurs sont parfois oblig�s d�arr�ter de jouer faute de place. L�empilement du public dans sa lutte pour le micro a m�me un nom�: les piles-on. L�intensit� est encore renforc�e par le type de danse � premi�re vue extr�mement violente pratiqu�e par une partie du public et parfois appel�e Karat� Danse Style. Ce style de danse, v�ritable d�fouloir, est en effet � base de coups de pieds et moulinets de bras. Ce style, tr�s r�pandu aux Etats-unis et import� en Europe est pourtant tr�s mal vu dans certaines sc�nes straight-edge. Ces danses seraient si violentes qu�elles en deviendraient fascisantes, emp�chant une partie du public de jouir du concert, ou alors au risque de se faire blesser. Certaines affiches de concert du H8000 crew portent ainsi l�inscription ��pas de danses violentes��. Ce d�bat sur les danses violentes est un autre sujet de discorde au sein des sc�nes straight-edge et hardcore. Par ces danses et la participation active du public au micro, un concert est souvent physiquement �prouvant pour le public. On touche ici la premi�re fonction d�un concert, celle d�exutoire par lequel on �vacue les frustrations emmagasin�es dans sa vie sociale. Il existe bien une deuxi�me fonction mise en avant par C. Centner�: le renforcement de la notion de groupe uni�; faire partie de ceux qui hurlent � un concert d�Earth Crisis ��I AM STRAIGHT EDGE�� renforce �videmment la croyance quant � l�existence d�un mouvement straight-edge fort. Ind�pendamment de la pratique musicale en elle-m�me, les concerts sont pour de nombreux straight-edgers l�occasion de retrouver d�autres amis straight-egders. Soit qu�ils appartiennent � une autre ville de la m�me sc�ne ou bien � une autre sc�ne�: les tourn�es des groupes straight-edge sont l�occasion de se d�placer de villes en villes pour retrouver des amis qui forment des contacts dans la sc�ne. La musique straight-edge �tant en grande partie ind�pendante, c�est par ces contacts que les groupes peuvent trouver des dates de concert, souvent � charge de revanche. Les interactions sont parfois nombreuses entre scenesters issus de diff�rents endroits. Le festival belge du Vort� N Vis est l�occasion de se retrouver pour une partie de la sc�ne straight-edge europ�enne. Les groupes et spectateurs sont en effet issus d�une vingtaine de pays. Les straight-edgers se d�placent �videmment plus et plus souvent quand la distance g�ographique entre sc�nes est faible comme au Benelux ou en Allemagne. Ces zones formant des p�les d�attraction qui attirent le public du reste de l�Europe. Ainsi, les concerts poss�dent donc plusieurs fonctions, dont celle de renforcer les straight-edgers dans leur croyance qu�ils appartiennent � un mouvement gr�ce � l�intensit� des concerts et les rencontres avec d�autres straight-edgers. 2) L�allure et les v�tements Plusieurs �l�ments dans cette partie renforcent identification en tant que straight-edge�: les v�tements�; la coupe de cheveux�; le X. C. Centner a �tudi� l�aspect vestimentaire�: ��au d�but, et jusqu�au milieu des ann�es 80, il y avait un style bien d�fini qui incluait des pantalons larges (baggys), des cha�nes aux portefeuilles, des sacs � dos et des chaussures de course. Cependant, comme la culture mainstream s�est appropri�e un style similaire, il est maintenant plus difficile de distinguer une mode straight-edge. Bien que ce style soit consid�r� comme appartenant au mainstream, il existe toujours dans la sc�ne sans �tre dominant. Au d�but de l�ann�e 96, dans les sc�nes du Nord-Est des Etats-Unis, j�ai observ� un retour � une mode plus conventionnelle que dans les ann�es pr�c�dentes (�) les hardcore kids authentiques ont du retourner � l�ancienne mode pour retrouver une authenticit頻. Cet exemple � priori anecdotique est en fait parfaitement r�v�lateur de la volont� des straight-edgers de se d�marquer du mainstream. Rattrap�s dans leurs diff�rences vestimentaires, ils se changent pour se repositionner et retrouver une originalit� qui fait leur distinction. Cela ne concerne �videmment pas tous les straight-edgers et dans ce style vestimentaire on retrouve l�influence d�autres styles comme le skate pour les baggys ou les cha�nes de portefeuille. Les sweats � capuches( hooded) et les baggys sont encore largement majoritaires en Europe. La coupe de cheveux est un autre moyen de se distinguer. Les straight-edgers, comme les fans de hardcore en g�n�ral ont une pr�dilection pour les cheveux coup�s extr�mement courts, voire m�me ras�s. Dans ce cas il s�agit �galement de se d�marquer du mainstream pour lequel des cheveux ras�s peuvent choquer, mais aussi du punk et de ses cr�tes, comme du m�tal et de ses cheveux longs. Les cheveux courts renvoient �galement � un certain nombre d�influences skinhead dans le hardcore.� Une partie des membres de la sc�ne hardcore, parmi lesquels des straight-edgers, se disent en effet skinheads tout en refusant toute implication et prise de position sur l��chelle politique ou alors en se r�clamant de l�extr�me gauche tels les SHARP�: SkinHeads Against Racial Prejudice. Des skinheads contre les pr�jug�s raciaux. Afficher le symbole du straight-edge semble pourtant le meilleur moyen de se reconna�tre comme membre du mouvement. Le X tire son origine de la marque que font les videurs aux Etats-Unis sur les jeunes de moins de 21 ans qui peuvent rentrer aux concerts mais sans pouvoir boire d�alcool. Le groupe Teen Idles se l�est appropri� pour en faire le symbole de ce qui s�est plus tard appel� straight-edge�: ��l�embl�me le plus significatif est le X. Les X sont utilis�s de diff�rentes mani�res pour repr�senter straight-edge�: autour des noms des membres (exemple�: xashleyx), dans SxE, sur les adresses Internet, les v�tements, tatouages, pages web, pochettes d�album, etc.�� C�est une pratique courante que de tracer un X sur sa main aux concerts pour marquer son appartenance au straight-edge. Le X est le plus souvent noir, mais peut �tre vert pour les straight-edge �cologistes ou rouge pour les straight-edge communistes. Le X est parfois tatou� sur une partie du corps. Le dos de l�album du Path Of Resistance repr�sente m�me une sc�ne de tatouage sur les mains. Le straight-edge est parfois repr�sent� par un triple X (XXX), qui symboliserait les trois interdictions originelles (don�t drink, don�t smoke, don�t fuck). Une autre hypoth�ses peut-etre avancee: la pochette de la premiere compilation du label Dischord, inspiree du drapeau de Washington DC (3 etoiles sur deux bandes) representait autant de croix au lieu d'etoiles. seules les croix seraient alors rest�es comme symboles du straight-edge, tandis que les acteurs eux-memes semblent avoir oublie l'origine de ce symbole." ��les videurs de bars ont utilis� le X comme un symbole d�exclusion, marquant d�un X les kids pour les emp�cher de boire [de l�alcool]. Les straight-edgers n�ont ensuite pas seulement adopt� le X comme un embl�me d�auto exclusion, mais plut�t comme un symbole de rejet (�) Les straight-edgers ont pris possession du X et ont reform� sa repr�sentation pour renforcer leur position��. Il est particuli�rement int�ressant de noter comment les straight-edgers ont transform� en une marque de fiert� et d�identit� collective le symbole de leur exclusion. L�usage du X est pourtant sujet � d�bat dans le straight-edge. Certains straight-edgers pensent qu�il s�agit d�une fa�on de se montrer sup�rieur � ceux qui ne portent pas le X, qu�ils soient straight-edge ou non. Cette affirmation de l�identit� straight-edge entre donc en conflit avec une certaine conception du straight-edge en tant qu�acte personnel qui n�a pas � �tre affich�. Le r�le du X peut donc parfois �tre ambigu�, nous le verrons de fa�on plus pr�cise dans��� le discours straight-edge��. Ce X ainsi que les v�tements et la coupe de cheveux sont donc bien une fa�on de marquer son appartenance au straight-edge et sa singularit� � l��gard du mainstream. Le r�le d�Internet doit par contre �tre discut�. 3) Internet C. Centner dans son �tude des rapports entre straight-edge et Internet voit dans l�usage intense qu�en font les kids des petites villes en dehors des sc�nes, une nouvelle conception de la sc�ne�: ��la petite sc�ne des ann�es 80 s�est �tendue de Washington et New-York au monde entier��. Internet permettrait de renforcer l�id�e de l�existence d�un mouvement straight-edge uni au niveau mondial. Cette id�e nous semble pourtant devoir �tre largement relativis�e. Elle ne concerne que les habitants des petites villes en dehors des grandes sc�nes et � notre sens les relations entre straight-edgers ne r�sident pas fondamentalement dans l�usage d�Internet. Les liens les plus forts se cr�ant a priori entre les scenesters les plus actifs. Les membres d�un groupe, les straight-edgers qui font un label ou un fanzine, ont besoin de contact nombreux pour tourner, vendre des disques, obtenir des interviews. Ces contacts peuvent passer par Internet mais aussi par un autre vecteur. Certes les contacts entre straight-edgers issus de sc�nes �loign�es sont favoris�s par l�utilisation d�Internet, mais parler de sc�ne straight-edge mondiale unie nous semble illusoire. Le straight-edge au niveau mondial est plut�t un r�seau l�che de solidarit�s ne touchant particuli�rement que ceux qui ont un acc�s Internet.� Internet ne contribue donc que faiblement � cr�er un mouvement straight-edge uni. Les straight-edgers utilisent donc les instruments des concerts, de leur allure et v�tements, du X et dans une moindre mesure d�Internet pour affirmer leur identit� en tant que mouvement. Ces instruments forment en quelque sorte une m�diation entre les straight-edgers et le straight-edge en tant que mouvement, tout comme ils permettent de se d�marquer de ce qui est consid�r� comme faisant partie du mainstream. Est-ce que pour autant ��la notion de straight-edge r�sulte d�un d�sir (�) de s�abstenir de, et de changer un aspect de la soci�t� qui est consid�r� comme normalis頻�?� Est-ce que le straight-edge en tant que mouvement et non plus seulement en tant que principes et valeurs est issu d�une r�action contre l�ordre social dominant�: le mainstream�? Les instruments de constitution du straight-edge en tant que mouvement sont �galement des instruments, plus que de marquage, de d�marcation. Il existe un c�t� valorisant dans le fait de s��tiqueter straight-edge. Etiquetage qui pourtant �loigne de la norme, de la majorit�, du mainstream. Sous cet angle, les instruments d�affirmation de l�identit� du straight-edge en tant que mouvement permettent bien de renforcer la th�se de l��mergence du straight-edge comme r�action face � un ordre social dominant. Le straight-edge est bien un mouvement, mais ��non structur頻, ce qui suppose l�absence d�organisation formelle et plus particuli�rement de leaders. Est-ce bien le cas�? D / LE LEADERSHIP DANS LE STRAIGHT-EDGE Ian Mackaye a sp�cifi� ��cela ne m�int�resse pas que le straight-edge soit un mouvement��. Or, avec son groupe Teen Idles, il a cr�e ce terme de straight-edge et avec un autre groupe Minor Threat, il en a pos� les principes. Peut-on alors consid�rer Ian Mackaye comme un leader du straight-edge�? Les changements de principes depuis le straight-edge originel sont-ils le fait de leaders�? Le leadership renvoyant � l�id�e de hi�rarchie, existe-t-il une classe dirigeante parmi les straight-edgers�? 1) Des leaders du straight-edge? Pour Ryan Spellecy, straight-edger et assistant de philosophie�:���il n�y pas chez nous [l�ensemble du straight-edge] de leader d�clar�. Nous sommes un mouvement informel et certainement pas un gang��. Il rejoint ainsi le discours courant des straight-edgers qui consid�rent qu�ils n�ont pas de leader.
2) Une classe dirigeante du straight-edge�?Ian Mackaye pourrait �tre ce leader, mais interrog� sur ce que le v�g�tarisme a � voir avec le straight-edge, il r�pond�:���je lui ai dit que je parlais de mes propres id�es sur le straight-edge et sur ce� que cela avait de sens, tout comme le v�g�tarisme. C�est comme si je fabriquais de nouvelles r�gles ou quelque chose comme �a, ce que je n�essayais pas du tout de faire��. Ainsi Ian Mackaye refuse ce r�le de leader, il ne cherche pas � cr�er de nouvelles r�gles et on peut consid�rer qu�il n�est pas non plus le fondateur du straight-edge. Il a bien sur cr�e avec son groupe le terme m�me de straight-edge, mais il faisait partie d�un collectif plus important qui tous refusaient l�alcool, la drogue, le tabac et une sexualit� de promiscuit�. Ian Mackaye a plut�t contribu� � faire conna�tre ces principes par le biais de la musique, chose qu�il fait toujours aujourd�hui avec le groupe Fugazi. Un autre �l�ment nous emp�chant de penser Ian Mackaye comme leader du straight-edge est repr�sent� par les changements qui ont affect� les principes m�me du straight-edge. Ainsi le refus du sexe occasionnel n�appartient pas au straight-edge dans certaines sc�nes. Au contraire, le v�g�tarisme a �t� rajout� dans de nombreuses autres. Ian Mackaye, lui m�me v�g�tarien, n�a pas essay� d�imposer le v�g�tarisme au sein du straight-edge, il est par contre commun�ment admis dans la sc�ne straight-edge que c�est le groupe Youth Of Today qui l�a introduit dans la deuxi�me moiti� des ann�es quatre-vingt. Ce groupe comptait parmi d�autres les l�gendaires chanteur et guitariste, Ray Cappo et Porcell, connus pour le nombre de groupes dans lesquels ils ont jou�. D�apr�s Porcell�: ��apr�s la sortie du morceau de Youth of Today �No More��, pratiquement toute la sc�ne est devenue v�g�tarienne (�) peu apr�s �tre v�g�tarien est devenu synonyme [sic] d��tre straight-edge. Cela m�a vraiment inspir� de penser que les autres [straight-edgers] prenaient vraiment � c�ur ce message musical. Les choses commen�aient � changer et cela nous a vraiment donn� un esprit r�volutionnaire. Nous �tions pr�ts � changer le monde��. Peut-on alors consid�rer ces membres de Youth Of Today comme des leaders du straight-edge�? Il ne nous le semble pas pour plusieurs raisons�: d�abord les membres du groupe n��taient pas surs de la r�action des straight-edgers � cette nouvelle id�e de v�g�tarisme�: ��quand nous avons �crit ce morceau, nous n��tions pas surs que les kids appr�cient l�id�e�[ d��tre v�g�tariens] ou bien soient totalement contre��. De plus, quand quelques ann�es plus tard, Porcell et Ray Cappo sont chacun de leur c�t� devenus d�vots de Krishna, il semble que bien peu de straight-edgers les aient suivis dans leur choix. Ainsi il n�existe a priori pas de leaders du straight-edge, pas d�individus dictant les principes aux autres straight-edgers. Il convient plut�t de parler pour des individus comme Ray Cappo, Porcell ou Ian Mackaye, d�ic�nes. Toutes ces ic�nes ont �t� et sont toujours membres de groupes straight-edge. Cette vision est partag�e par Nina Chydenius qui pour eux parle de ��leaders ou plut�t devrais-je dire personnes les plus importantes du straight-edge��. Il est un aspect hi�rarchique du straight-edge que nous n�avons pas envisag�: La th�orie de Courtney Centner concernant l�existence d�une classe dirigeante du straight-edge bas�e sur la possession de ��capital sous-culturel��. Pour Courtney Centner�: ���bien que la culture straight-edge promeuve l��galit� et tente d��tablir un collectif sans hi�rarchie, il existe assur�ment une ��classe dirigeante�� fond�e sur la possession de capital sous-culturel [subcultural capital]. En pensant les th�ories de Pierre Bourdieu en relation avec le champ d�une culture de jeunesse, j�en suis venu � concevoir le fait d��tre cool [hipness] comme une forme de capital sous-culturel. Bien que le capital sous-culturel soit un terme que j�ai forg� en relation avec mes propres recherches, il s�accorde raisonnablement bien avec le syst�me de pens�e bourdieusien. Le capital sous-culturel conf�re du prestige � son propri�taire aux yeux du public appropri�. Le capital sous-culturel est objectiv� sous la forme de coupes de cheveux de bon ton et de collections de disques bien compos�es (�) l��rudition musicale est particuli�rement respect�e dans la sc�ne, sp�cialement si une collection de disques est aussi importante que les connaissances de son propri�taire. Poss�der une histoire dans la sc�ne est aussi admir�. De nombreuses conversations ont lieu � propos de qui �tait � tel concert il y a des ann�es (�) les T-shirts, sweatshirts, patches et autocollants sont une autre forme de capital sous-culturel pour la culture straight-edge, sp�cialement ceux qui datent d�avant la fin des ann�es 90. Les T-shirts font la promotion des groupes et id�aux du straight-edge, permettant aux autres membres [du straight-edge ] de d�terminer � quel point sont cools ceux qui les portent��. Courtney Centner, s�appuyant sur les travaux de Pierre Bourdieu, conf�re aux straight-edgers la possession de ��capital sous-culturel��, les plus dot�s d�entre eux formant une ��classe dirigeante�� du straight-edge. Aussi pertinente que paraisse cette th�orie, on peut quand m�me lui adresser quelques critiques. Ainsi parler de���classe dirigeante�� du straight-edge, m�me entre guillemets, revient � concevoir qu�il existe une hi�rarchie dans le straight-edge bas�e uniquement sur le prestige. Cela nous semble quelque peu exag�r�. Le prestige conf�r� par l��rudition musicale au sein d�une sc�ne n�est pas un ph�nom�ne propre au straight-edge, mais concerne plut�t dans ce cas le hardcore. Le prestige est � priori reconnu � un straight-edger comme � un non straigh-edger, il�ne d�pend pas du fait d��tre straight-edge. Comment alors en d�duire l�existence d�une classe dirigeante du straight-edge�? La th�orie de Courtney Centner sur le capital sous-culturel est particuli�rement digne d�int�r�t, mais l�entra�ne dans des conclusions exag�r�es. Il n�existe donc pas de leader, mais plut�t des ic�nes du straight-edge tandis qu�un certain nombre de straight-edgers jouissent de prestige au sein de la sc�ne par leur possession de capital sous-culturel. Il est pourtant un aspect du straight-edge en tant que mouvement que nous n�avons pas envisag�: le lien entre le straight-edge et les straight-edgers n�est pas toujours imm�diat, il passe parfois par l�interm�diaire des crews. E / LE STRAIGHT-EDGE EN TANT QUE CREWS Le ph�nom�ne de crews, propre au hardcore et non pas au punk, concerne de fait les straight-edgers. Certains crews comprennent en partie ou en totalit� des straight-edgers. Le terme est en tout cas omnipr�sent dans la sc�ne hardcore o� il poss�de des connotations v�ritablement ambivalentes�: ils ne sont pour certains que des gangs, tandis que d�autres s�affichent fi�rement comme membres d�un crew. Que sont donc les crews pour poss�der une image si diff�rente�? Quel est leur r�le dans le straight-edge et le hardcore�? Pourquoi constituer un crew�?
2 / DU DISCOURS A L�ACTION DE STRAIGHT-EDGELe terme de crew peut �tre traduit dans une vision neutre du ph�nom�ne par celui de groupe d�amis. Un crew se compose en effet de scenesters, souvent particuli�rement actifs comme membre d�un groupe ou r�dacteur d�un fanzine.� Le Cabal 315 par exemple, � Syracuse dans l�Etat de New-York, comprend les groupes Contempt, Green Rage, The Path Of Resistance et Earth Crisis. ![]() Le crew est mis en avant sur la pochette de l�album du Path Of Resistance o� une partie des membres en est photographi�e masqu� et avec des Hooded Cabal 315. Le nom du crew appara�t �galement sur les listes de remerciement des disques. Le crew est cens� se caract�riser par une solidarit� tr�s importante, surtout aux concerts. Il faut favoriser les autres membres de son crew, pour par exemple� faire jouer un autre groupe � un concert. Le fait est que de tr�s nombreux crews, et parfois les crews en g�n�ral, ont une image tr�s n�gative pour une partie des scenesters qui les assimilent � des gangs violents. Il convient pourtant de distinguer les gangs straight-edge de Salt Lake City qui se nomment eux m�me des crews�: ��Mafia X crew, Monster crew, Cutthroat crew��; des autres crews pr�sents sur la sc�ne hardcore qui sont eux impliqu�s dans la musique. Un grand nombre de straight-edgers n�appartenant en fait � aucun crew. Ce ph�nom�ne de crew ne touche donc qu�une partie de la sc�ne, la taille de certains d�entre eux doit de plus �tre relativis�e�:���on prend deux amis, on s�appelle un crew, on trouve un nom un peu stupide et on peut �tre s�rieux avec �a ou juste le prendre � la rigolade��. Les crews sont bien une marque de fiert� pour ceux qui en font partie, tandis que ceux qui ne connaissent pas vraiment le ph�nom�ne en ont une image n�gative associ�e � la violence. Malgr� cette incompr�hension, les crews peuvent s�int�grer dans les �tudes traditionnelles de groupes sociaux. Aucune �tude de cas n�ayant � ce jour �t� r�alis�e sous cet angle, cela ne nous a pas �t� possible. Malgr� notre incapacit� � vraiment le situer dans le cadre de l��tude des groupes sociaux, nous consid�rons que le straight-edge est un mouvement, suivant en cela les dires donc la subjectivit� des acteurs. Les straight-edgers utilisent diff�rents instruments pour se constituer en mouvement et se s�parer du mainstream, notamment les concerts ou l�allure et les v�tements. M�me si certains straight-edgers poss�dent plus de capital symbolique que d�autres, il n�y a pas de leaders apparents du straight-edge mais plut�t des ic�nes li�es � la musique. Certains straight-edgers appartiennent � des crews, provoquant parfois l�incompr�hension de ceux qui n�y appartiennent pas. Nous avons d�j� au cours de ce travail aper�u de nombreux aspects du discours straight-edge. Nous tacherons de mieux le cerner par deux questions principales. Tout d�abord qu�est ce que le discours straight-edge? Comment atteint-il son public? Quels sont les th�mes d�velopp�s? Ensuite quel est le discours, ou du moins l�approche du straight-edge que proposent des groupes� parmi les plus connus du straight-edge�? Que signifie pour eux �tre straight-edge? Une fois ceci pos�, nous pourrons tenter de comprendre les actions des straight-edgers. Ces actions sont-elles li�es au straight-edge? Si oui d�coulent-elles vraiment du discours et des positions des groupes straight-edge? A / LE DISCOURS STRAIGHT-EDGE Que disent les straight-edgers�? Quels sont les th�mes abord�s par le discours straight-edge�? Par quels moyens�? Quel est le public touch�? Une partie de ces questions a d�j� trouv� une r�ponse dans ce travail. Nous t�cherons alors de circonscrire le discours straight-edge � certains de ses aspects. Il s�agit d�abord d��tudier le discours straight-edge en analysant les vecteurs de ce discours, notamment pour voir quel est le public touch�. Puis nous verrons quels sont les th�mes abord�s par ce discours. 1) Les vecteurs du discours straight-edge Il existe pour nous quatre vecteurs du discours straight-edge, ou du moins quatre m�dias susceptibles de traiter du straight-edge�: Ce sont tout d�abord les groupes straight-edge dans leurs paroles, les fanzines r�alis�s par des straight-edgers et Internet tel que nous l�avons vu li� au straight-edge. Enfin nous consid�rerons � part toute la presse ayant trait� du straight-edge, mais qui n�appartient pas� � ce mouvement. Nous avons trait� du r�le des groupes straight-edge et des fanzines dans la diffusion des principes du straight-edge dans le H8000 crew. Ces groupes et fanzines touchent en grande majorit� un public en dehors de leur sc�ne d�origine, ils participent donc � la transmission du straight-edge � un niveau sup�rieur que l�on peut qualifier d�international. Ce sont donc bien tous les groupes et fanzines straight-edge qui participent � la promotion du discours straight-edge partout o� ils sont distribu�s. Leur impact d�pendant en partie de leur notori�t� et du choix du mode de distribution ( D. I. Y. ou label� plus ou moins important). Ceci �tant surtout vrai pour les groupes. La pr�sence du straight-edge sur Internet a d�j� �t� envisag�e dans ce m�moire, rappelons simplement que ces sites sont� li�s � la musique plus qu�au straight-edge en lui-m�me. Ils sont en effet principalement le fait de labels et groupes straight-edge qui visent d�abord � la promotion de leur musique. Il existe pourtant des sites tels straight-edge.com ou des fanzines en ligne qui proposent des pr�sentations souvent succinctes du straight-edge et de son histoire. Enfin une partie de la presse internationale s�est int�ress�e au straight-edge. Il est� pourtant regrettable que seule ou presque une frange extr�miste du straight-edge ait �t� jug�e digne d�int�r�t. En effet, Le Nouvel Observateur ou Time Magazine ne se sont pr�occup�s que du ph�nom�ne straigth-edge � Salt Lake City. Or nous l�avons dit, une partie des straight-edgers de Salt Lake City se sont constitu�s en gangs violents. Ces quelques centaines d�individus ne sauraient rendre compte de la totalit� du straight-edge. The Observer s�est int�ress� au ph�nom�ne d�une fa�on relativement honn�te, en prenant pour base le straight-edge en Grande Bretagne et en �tendant son article aux crimes commis par des straight-edgers. Le straight-edge a �galement �t� couvert par la t�l�vision en France, aux Etats-Unis et au Danemark, mais le regard port� sur le sujet �tait extr�mement ironique. Ces quatre vecteurs touchent �videmment des publics diff�rents. 2) Le public touch� Le discours des groupes et fanzines straight-edge atteint d�abord les straight-edgers, mais aussi tous ceux qui �coutent de la musique punk et hardcore. Tous les individus pr�sents sur la sc�ne hardcore connaissent vraisemblablement le straight-edge, ses principes et quelques groupes straight-edge. Les groupes straight-edge qui s�aventurent hors de ces genres musicaux sont pourtant tr�s rares. Ainsi il n�existe pas � notre connaissance de groupe straight-edge se disant simplement ��m�tal��. Un groupe se qualifiera plut�t de ��vegan straight-edge hardcore��. Il ne s�agit pas que d�une simple diff�rence de termes. Pour beaucoup de scenesters, le hardcore tel qu�il est en vogue aujourd�hui est plus du ��m�tal chaotique��. D�un certain point de vue, de nombreux groupes straight-edge jouent bien du m�tal, mais et c�est le plus important, ils appartiennent � la sc�ne hardcore. Les groupes de straight-edge hardcore ont en effet peu de chances de jouer avec des groupes issus de la sc�ne m�tal. L�important n�est donc pas tant la musique jou�e que la sc�ne sur laquelle un groupe se place. Un certain nombre de groupes straight-edge, qui jouent une musique que l�on peut qualifier d����mo-pop�� se placent �galement en partie sur la sc�ne hardcore. Les groupes et fanzines straight-edge touchent donc bien en majorit� un public issu des sc�nes punk et hardcore, mais il leur est difficile d�atteindre celui pr�sent sur d�autres sc�nes musicales, quelle que soit la musique qu�ils jouent. Internet, nous l�avons envisag�, peut permettre � certaines personnes en dehors de la musique de d�couvrir le straight-edge. Les tr�s nombreuses connexions de straigth-edge.com ne sont vraisemblablement pas que le fait de straight-edgers. La pr�sence du straight-edge sur Internet est pourtant largement li�e � la musique, une fois encore ce sont les scenesters du punk et du hardcore qui sont int�ress�s par de tels sites. Ce sont donc en majorit� des individus qui connaissent d�j� le straight-edge qui s�int�ressent au discours straight-edge sur Internet. Le public des m�dias non straight-edge qui ont couvert le ph�nom�ne est �videmment largement diff�rent. Parmi les lecteurs de Time Magazine ou du Nouvel Observateur, tr�s peu sans doute connaissaient le mouvement straight-edge avant de le d�couvrir dans leur magazine. Les principes du straight-edge sont ind�niablement mieux connus et par beaucoup plus de monde, depuis que ces m�dias du mainstream en ont parl�. Il subsiste pourtant un large probl�me qui est celui de l�image que ces lecteurs auront du straight-edge. Pour ceux du Nouvel Observateur ��Les f�l�s de l�Utah [les straight-edgers] [forment] le gang le plus invraisemblable et le plus intol�rant d�Am�rique��, tandis que pour ceux de Time Magazine ��des adolescent Amish fracassant des vitres de voiture avec des binettes�� pourraient �tre la suite des agressions commises par des straight-edgers � Salt Lake City. Les lecteurs de ces magazines conserveront donc une image d�plorable du straight-edge, image sans rapport avec la r�alit� du straight-edge telle quelle est v�cue par l��norme majorit� des straight-edgers. Il faut donc distinguer ce qui rel�ve du discours straight-edge, des articles consacr�s au straight-edge. Le discours straight-edge �mane en effet des groupes, fanzines ou sites straight-edge sur Internet. Les straight-edgers contr�lent ce discours, il s�agit d�un discours straight-edge dans le sens o� des straight-edgers exposent leur vision du straight-edge. Tandis que dans le second cas, les m�dias rapportent ce qu�ils ont compris ou veulent bien comprendre du straight-edge. Dans ce cas, c�est d�un discours sur le straight-edge dont il s�agit. Ce discours n�est pas contr�l� par les straight-edgers et peut donner lieu � des interpr�tations erron�es. Dans notre �tude des th�mes du discours straight-edge, nous nous int�resserons en priorit� � ce que disent les straight-edgers. 3) Les th�mes du discours straight-edge ��Bien que la plupart de la musique straight-edge traite de vie sans drogue et sobre�; les relations humaines et la fa�on dont le reste du monde voit le mouvement straight-edge sont d�autres th�mes courants��.
La premi�re fonction du discours straight-edge tel qu�il est pratiqu� par les groupes et fanzines, est �videmment de rappeler les principes du straight-edge, principes �tant entendus ici dans un sens plus large que dans la d�finition minimale du straight-edge que nous avons donn�. Pour straight-edge.com�:���les interpr�tations modernes [ du straight-edge] incluent le v�g�tarisme (ou le v�g�talisme) ainsi qu�une prise de conscience et une implication plus importante quant aux probl�mes environnementaux et politiques��. Ainsi le discours des groupes, comme nous le verrons dans la diversit� des approches du straight-edge, d�pend de leur conception du straight-edge et notamment du fait qu�ils pouvaient y rapporter le v�g�tarisme et/ou l��cologisme. Il existe pourtant un certain nombre de d�bats qui traversent la sc�ne straight-edge. Il en est un en particulier auquel de nombreux autres peuvent se rapporter�: celui de l�ouverture du straight-edge. Les straight-edgers, nous l�avons dit, tiennent particuli�rement � cultiver leur singularit� par rapport au mainstream, ils constituent ainsi le straight-edge en mouvement. Ce vaste consensus sur la diff�rence n�emp�che pas une division quelque peu sch�matique en deux tendances. Soit le straight-edge reste � l�int�rieur des sc�nes hardcore et punk, o� il peut continuer � cultiver ses valeurs de D. I. Y., de diff�rence et de participation active, valeurs qui sont fortes dans ces sc�nes�; soit il cherche � s�ouvrir � l�ext�rieur, dans d�autres sc�nes musicales, ou m�me en dehors de la musique o� le straight-edge n�est que tr�s peu r�pandu. Ce d�bat n�a pas lieu en tant que tel au niveau du straight-edge, mais plut�t au niveau de la conscience des individus, groupes, sc�nes. Ce d�bat n�est pas non plus le seul fait des straight-edgers. Il est comparable � celui ayant lieu entre partisans du D. I. Y. et partisans des labels. �S�ouvrir � l�ext�rieur pour un groupe straight-edge, cela signifie jouer avec des groupes issus de sc�nes diff�rentes, devant des publics qui ne connaissent pas les valeurs du D. I. Y. Bien sur, cette ouverture se fait le plus souvent au nom de la musique, du futur du groupe. On s�ouvre � de nouveaux publics pour pouvoir vivre de sa musique, tout en gardant intactes ses valeurs. Le groupe Earth Crisis a pourtant utilis� comme argument le fait de pouvoir mieux faire conna�tre le straight-edge quand il est pass� chez un plus gros label. La notion de ��vendu�� d�coule �galement de ce d�bat sur l�ouverture. Si un groupe choisit de passer sur un gros label, alors que les valeurs du D.I.Y. sont pr�dominantes sur sa sc�ne, il y a de fortes chances pour qu�il soit qualifi� de vendu. Ce m�me terme est �galement parfois utilis� par certains straight-edgers pour qualifier ceux qui ont quitt� le straight-edge. Le d�bat sur l�ouverture a �galement lieu � l�int�rieur de sc�nes musicales donn�es. Ainsi la sc�ne hardcore est partag�e entre straight-edgers et non straight-edgers. Le d�bat sur l�ouverture a �galement lieu � ce niveau. Est-il concevable pour des straight-edgers d�accepter que des gens fument � un concert o� la majorit� des spectateurs est straight-edge�? Pour certain d�entre eux la r�ponse est non. ��Il est simple d�imaginer la dissonance entre les id�aux straight-edge et non straight-edge (�) le hardcore n�est pas simplement une construction straight-edge. Le hardcore est un type de musique �cout� et cr�e par diff�rentes personnes poss�dant des m�urs diff�rentes. Des heurts ont �videmment lieu � des concerts entre straight-edgers et ceux qui n�appartiennent pas � cette sous-culture��. Pour mieux comprendre le discours straight-edge, il convient d��tudier la repr�sentation que se font du straight-edge certains groupes parmi les plus connus. B / LA DIVERSITE DES APPROCHES DU STRAIGHT-EDGE Le but de cette partie est de pr�senter l�approche du straight-edge de trois groupes contemporains. Quelle-est leur vision du straight-edge�? Est-elle li�e � d�autres mouvements ou principes�? Le straight-edge est-il pour eux une fin en soi�? Par quels moyens ces groupes d�veloppent-ils leur vision du straight-edge�? 1) Earth Crisis ��Earth Crisis sont de Syracuse, New-York, et sont probablement le groupe le plus d�cri� � l�heure actuelle de par la virulence de leurs propos (�) D�s leurs d�buts Earth Crisis impressionnent et d�rangent � la fois, ils impressionnent par leur puissance avec un hardcore tr�s m�tal, lent ,lourd, ce qui � ce moment l� [1991] est une innovation, d�o� �merge un chant tr�s puissant au service de discours militants (�) ce qui choque beaucoup en Earth Crisis est la vigueur de textes o� face � un monde� violent , il y a l�gitimation d�une autre violence dans une d�claration de guerre aux d�mons qui torturent et tuent des animaux�� ![]() Earth Crisis repr�sentent en effet une ligne dure du vegan straight-edge. Ils ne sont pourtant pas des hardliners au sens o� ils ne sont pas homophobes et acceptent l�avortement dans de nombreux cas. Le groupe est fortement marqu� par la personnalit� de son charismatique chanteur Karl Buechner. La lutte pour le straight-edge est pour eux li�e � celle pour le v�g�tarisme et l��cologie. Ainsi dans leurs morceaux ils traitent d��cologie�: ��alors que les r�gions tropicales ne semblent rien d�autre qu�une r�gion sur une carte, destin�es � �tre pill�es de leurs ressources, au profit des entreprises��. Le probl�me des droits de l�Homme est �galement �voqu�: ��Unseen Holocaust est � propos de la fa�on dont les peuples natifs ont �t� chass�s de leurs territoires dans le monde entier, comment on a viol� leur culture, leur religion, leur mode de vie (�) Nous avons �galement un morceau � propos des mauvais traitements [inflig�s] aux enfants, un autre � propos de la fa�on dont des personnes innocentes se trouvent impliqu�es dans des guerres � propos de ressources naturelles ou de conflits religieux��. Earth Crisis aborde aussi le th�me du v�g�talisme�: ��Chaque vache, mouton, porc, ch�vre ou poulet, �tre innocent,vu comme un produit en pr�paration, �lev� seulement pour �tre massacr� et consomm頻 En ce qui concerne le straight-edge en tant que tel, les dangers de l�alcool sont d�abord d�nonc�s�: ��l�ivresse paralyse le cerveau, rien ne change, rien ne s�am�liore, bouteilles vides et journ�es vides�� . L�action directe est encourag�e dans leur morceau le plus connu�: ��Firestorm�� ��Rue par rue, block par block, reprenons tout, la jeunesse immerg�e dans le poison retourne la mar�e de la contre-attaque. Une temp�te de feu pour purifier le bain dans lequel se noie la soci�t�. Pas de piti�, pas d�exceptions. Une d�claration de guerre totale. La d�fense des innocents, la raison pour laquelle nous nous insurgeons (�) Seigneurs de la drogue et dealers, tous doivent tomber, une temp�te de feu pour purifier��. Leur conception du straight-edge est pourtant classique � premi�re vue�: ��le straight-edge est l�engagement de toute une vie � ne jamais boire d�alcool, fumer de cigarettes, prendre de drogues ill�gales comme �chappatoire ou s�engager dans une sexualit� de promiscuit� (�) Je ne vois le straight-edge que comme ce qu�il est r�ellement, seulement un commencement. Il ouvre la voie vers les droits de l�Homme et de l�animal et � beaucoup plus de libert� personnelle��. Ainsi Earth Crisis proposent une vision du straight-edge conforme au straight-edge originel, ils y ajoutent le v�g�talisme, mais sans le consid�rer comme une partie int�grante du straight-edge. La violence est pour eux l�gitime dans la lutte contre les dealers, mais aussi les assassins d�animaux ou les saboteurs de la nature�: ��Les moyens l�gaux sont �puis�s (�) l�action directe est la derni�re ressource��. Le straight-edge n�est pourtant pour eux qu�un d�but dans la lutte pour la libert�. 2) Catharsis Le groupe Catharsis est originaire de la r�gion d�Atlanta et est pour nous un exemple extr�mement int�ressant dans la mesure o� il propose une des pens�es li�es au straight-edge les plus fouill�es et th�oris�es�: le straight-edge �tant int�gr� dans une th�orie anarchiste plus vaste. Le groupe est surtout marqu� par la personnalit� de son chanteur, Brian Dingleding, dipl�m� de philosophie, qui propage ses id�es par deux vecteurs, son groupe Catharsis tout d�abord, mais aussi par le biais de son fanzine Inside Front, particuli�rement reconnu au sein de la sc�ne straight-edge hardcore. Catharsis, qui jouent un hardcore new school particuli�rement influenc� par le Death M�tal, ont � ce jour sorti trois albums�: Le premier intitul� Catharsis, regroupe en fait des enregistrements pr�c�dents. Il est sorti sur le label Crimethinc, g�r� par un collectif dont fait partie Brian D. Ce disque comprend de tr�s nombreuses r�f�rences religieuses�- un morceau s�intitule m�me ��I Corinthians 1�: 18-29�� [�p�tre de saint Paul aux Corinthiens]�- ou plut�t critiques virulentes de la religion�: ��Votre soumission et vos mensonges sacr�s, je ne m�abaisserais jamais � les comprendre. Vous vous� �tes sacrifi�s vous-m�mes�; Vous avez �lev� vos temples aux cieux�� Le mat�rialisme occidental est �galement rejet�: ��cela devient ritualis�, des mensonges rituels (�) l�opium d�une pauvre infection, achet� et pay� par l�infection. En occident�: les maisons��. L�emphase est aussi mise sur les difficult�s de l�existence, de la condition humaine�: ��la vie est dure, encore plus quand elle est b�tie sur un mensonge, et encore plus quand on ne sait pas si on veut vivre ou mourir���. Cet album comprend donc de nombreuses r�f�rences bibliques, illustrant les difficult�s de l�existence, le plus souvent qualifi�e d�enfer, difficult�s dont le principal responsable est la religion. L�album suivant est intitul� Samara et sort toujours sur Crimethinc dont la devise est alors���ni dieu, ni ma�tre��. Le th�me du refus de toutes les religions demeure omnipr�sent et est d�velopp� dans des pages d�explication du morceau ��Choose your heaven���: ��quel genre de paradis est donc celui qui nous est promis par le catholicisme, le bouddhisme et tellement d�autres religions d�orient ou d�occident�? Pensez-vous que ce ��paradis�� puisse seulement �tre atteint en se prosternant devant l�autorit� divine et en abandonnant toutes nos aspirations terriennes, est-ce votre id�e du paradis�? Etes-vous tellement �puis�s de cette vie et tellement conditionn�s � vivre comme des esclaves, que la soumission compl�te et l�annihilation du moi semblent seuls valoir la peine d��tre recherch�s�? (�) vos d�sirs sont uniques et vous seuls pouvez d�cider de ce qui est bien et mal pour vous(�) choisissez votre paradis et battez-vous pour lui jusqu�� la mort, ou bien soyez satisfaits de vivre en enfer��. Ce pamphlet forme un bon r�sum� de la pens�e de Catharsis que nous synth�tiserons plus tard. Il est � noter qu�un nouvel �l�ment d�grade encore dans cet album la condition humaine, la perte de l��tre cher. Le troisi�me album Passion est sorti fin 1999, toujours sur Crimethinc� dont la devise devient ��une conspiration de la cinqui�me colonne��. Les th�mes ant�rieurs de la difficult�, voire m�me de l�inutilit� de l�existence sont repris et d�velopp�s sur un mode plus abstrait, avec moins d�attaques directes contre la religion. Ces difficult�s de l�existence ayant bien sur les m�mes causes�: ��un autre seuil de douleur, comme tous les pas de ma vie�� Ainsi Catharsis d�veloppe � travers ces trois albums la difficult� de l�existence humaine, manipul�e par des puissances divines ou terrestres qui ont pour nom dieu, mat�rialisme ou envie. Ces ambiances malsaines sont amplifi�es par l�utilisation dans les livrets de symboles religieux, une crucifixion sur la pochette de Samara, mais aussi monstrueux, la cr�ature sur la pochette de Catharsis, voire m�me sataniques, une danse de sabbat avec la mort sur Passion. Les couleurs proches du rouge et du noir sont particuli�rement appr�ci�es pour renforcer ces sentiments. Les r�f�rences litt�raires, Haldous Huxley sur le droit � ne pas �tre heureux dans ��Brave New World��, ou bibliques ��nous avons �pargn� pendant qu�ils d�pensaient�� et m�me philosophiques, Karl Marx sur la nature humaine, sont bienvenues. Les dessins illustrant l�impuissance de l�Homme face � l�existence ( un homme seul adoss� au milieu d�un mur gigantesque), � dieu (un homme courb� devant une croix), utilis�s surtout dans le premier album r�sument les id�es de Catharsis�: ��utilisez vos cerveaux,�Humanit�, prenez le contr�le, Choisissez votre paradis, �n�acceptez ni dieu, ni ma�tre�� Ces th�mes sont repris et d�velopp�s sur un mode diff�rent dans le fanzine Inside Front dirig� par Brian Dingledine, le chanteur de Catharsis. Le th�me du straight-edge, quasiment absent des paroles du groupe, du moins de mani�re explicite, se retrouve beaucoup plus fr�quemment dans le fanzine o� il est articul� avec d�autres th�mes, pour former une pens�e plus globale. Ce fanzine � la parution irr�guli�re (environ tous les neuf mois et toujours en retard sur les pr�visions) est pourtant d�une taille imposante (aujourd�hui sup�rieure � 120 pages) et b�n�ficie d�une notori�t� importante sur les sc�nes punk et surtout hardcore. Son sous-titre est particuli�rement �vocateur� ��journal de la r�volution � et du punk hardcore�� (num�ro 9)�; ��un assaut tous azimuts contre le capitalisme, la hi�rarchie politique et l�ordre moral, la ��civilisation�� occidentale et vous�� (num�ro 11). La vision du straight-edge de Brian Dingledine est pr�sent�e dans les �ditoriaux, les r�ponses au courrier des lecteurs et les colonnes d�opinions (nomm�es cinqui�me colonne) ouvertes � d�autres auteurs, mais contr�l�es par lui. Inside Front par les �crits de Brian D. se revendique d�abord ouvertement anarchiste. De cette proclamation d�coule un refus du contr�le exerc� par l�Etat et la soci�t� en g�n�ral. Brian D. se vante de ne pas avoir de toit, de voler sa nourriture (v�g�tarienne) et ainsi de ne jamais payer aucun imp�t. De m�me le contr�le social exerc� par le capitalisme, la religion (th�me majeur de Catharsis) et toute cette ��civilisation occidentale�� doit �tre refus�: il faut penser librement pour soi. Le straight-edge chez Brian D. et Catharsis s�inscrit dans cette double perspective, il s�agit de refuser de payer � l�Etat les taxes dont il b�n�ficie avec l�alcool et le tabac, et d�autres part d��liminer toute d�pendance du corps � ces produits. Tout comme l�esprit doit �tre lib�r� du contr�le social, le corps doit �tre lib�r� des drogues par le straight-edge. Le straight-edge est donc un moyen de lutter � la fois contre l�Etat et l�ordre social en vigueur. Le straight-edge s�inscrit donc dans une perspective anarchiste o� il est un �l�ment parmi d�autres et non pas une fin en soi. La vision du straight-edge que poss�de Snapcase ressemble un peu � celle de Catharsis, mais elle est �galement int�ressante par ses caract�ristiques propres. 3) Snapcase Le groupe Snapcase est originaire de Buffalo, dans l��tat de New-York� Il est l�un des plus vieux groupe straight-edge hardcore new school et est souvent cit� en r�f�rence par les fans du genre. La conception� du straight-edge qu�ont ses membres est particuli�rement originale et m�taphorique. Ainsi leur dernier album en date (2000) s�appelle ��Designs for automotion��, des mod�les d�autod�termination en quelque sorte. Le straight-edge n�est jamais abord� directement mais s�inscrit dans cette perspective d�autod�termination�:
��vous avez besoin de vous r�veiller et d�activer les r�ves de votre esprit, d�s�uvr�, r�volte, h�ros � vous �tes votre h�ros. Ils vous cambriolent, ils vous d�molissent, Et vous laissent sans rien (�) Qu�importe ce qu�ils essayent de vous apprendre, Il faut vous �lever et r�volutionner votre pens�e.�� ![]() Ainsi Snapcase proclame la n�cessit� du r�veil et de l����auto-lib�ration�� de l�individu dans une approche qui ressemble quelque peu � celle de Catharsis, mais � la diff�rence de ces derniers, la direction du changement est moins explicitement sp�cifi�e. Le straight-edge est pour Snapcase un moyen de se lib�rer de ce conditionnement que nous impose la soci�t�. Etre straight-edge permet de lib�rer son corps et son esprit. Le probl�me de l�approche de Snapcase �tant qu�elle est particuli�rement abstraite et m�taphorique, donc parfois difficile � analyser. Les th�mes de l�ignorance, de l�incompr�hension et de la vie emprisonn�e sont en tout cas omnipr�sents. Ces trois groupes pr�sentent donc des approches diff�rentes du straight-edge, Earth Crisis �tant particuli�rement virulent pour pr�ner dans ses paroles l�action directe�; tandis que Catharsis int�gre le straight-edge dans une approche anarchiste et que Snapcase le voit sur un mode abstrait de lib�ration de l�individu. Le discours ayant �t� envisag�, il reste � voir ses �ventuelles cons�quences sur les actions des straight-edge. C / LES ACTIONS DU STRAIGHT-EDGER Le fait de parler d�action des straight-edgers et non pas simplement du straight-edge d�coule de notre �tude du straight-edge en tant que mouvement, o� nous avons vu que les relations entre straight-edgers ne forment souvent qu�un r�seau l�che de solidarit�s. Le straight-edge ne poss�de pas non plus leaders, ni de hi�rarchie formelle, les actions de ses membres ne sauraient donc qu��tre envisag�es au niveau des individus, voire de collectifs d�individus (les crews�?).
Dans la mesure o� nous avons analys� une partie du discours straight-edge, nous pouvons maintenant nous int�resser � la conformit� des actions au discours des straight-edgers. Les straight-edgers suivent-ils dans leurs actions les indications ou les pr�ceptes de certains groupes�? Ou bien au contraire leurs actions n�ont-elles aucun lien avec le straight-edge ou rel�vent d�autres mouvements�? Comment expliquer une �ventuelle faiblesse ou absence d�actions en faveur du straight-edge�? Pour Ian Mackaye�:���le seul but du mouvement straight-edge auquel je puisse penser serait d�essayer de faire arr�ter les gens de boire ou quelque chose comme �a��. Le straight-edge aurait donc des buts, des objectifs, dans ses actions qui soient conformes � ses principes. Il faut rallier un maximum de gens au straight-edge, qui plus est puisque cela doit �tre b�n�fique pour leur sant�. Ainsi certains fanzines proposent des chroniques sur les m�faits du tabac, des sites Internet straight-edge d�noncent les dangers de la drogue. Les intimidations, voire m�me les violences faites aux fumeurs dans certaines villes am�ricaines ne concernent que partiellement cette cat�gorie, dans la mesure o� elles sont le fait de gangs violents et marginaux du straight-edge. Par contre les groupes straight-edge d�non�ant alcool, drogue et sexe occasionnel pratiquent bien un mode d�action straight-edge. Le probl�me de ces actions, qui parfois ne semblent qu�appartenir au discours, qu�� une propagande straight-edge, est qu�elles se heurtent � une certaine conception du straight-edge. Toujours selon Ian� MacKaye�:���mais selon mon point de vue, si quelqu�un essayait de me faire arr�ter de boire, je serais franchement �nerv頻. Le straight-edge pour nombre de straight-edgers est v�cu comme quelque chose de v�ritablement personnel. On est straight-edge pour soi et non pas pour les autres. Il s�agit de prot�ger sa sant�, d�adopter un mode de vie conforme � ses id�aux, mais surtout pas de convaincre les autres de devenir straight-edge. Une partie des straight-edgers se veulent aussi tol�rants, il ne saurait �tre question pour eux d�influer sur le mode de vie des non straight-edgers. Un certain nombre d�actions sont malgr� tout imput�es aux straight-edgers, notamment dans L�Utah�: ��les straight-edgers ont commenc� par d�truire un restaurant mac Donald en l�arrosant d�essence et en l�enflammant avec des cocktails Molotov (�) quelques mois apr�s, c�est la boutique d�un grossiste de cuir qui partit en fum�e. Puis celle d�un marchand de chaussures, puis celle d�un fourreur��. Or ces actions n�ont � priori rien � voir avec les principes du straight-edge. Il s�agit d�action de lib�ration animale. Les straight-edgers seraient ��li�s � des groupes quasi terroristes, tel l�Animal Liberation Front �. De plus ��le v�g�talisme est une croyance du gang violent, le straight-edge (�) tous les straight-edgers sont para�t-il v�g�taliens��. Les attentats seraient donc bien men�s par des straight-edgers, mais au nom de la lib�ration animale qui n�appartient pas directement au straight-edge�: ��c��tait un acte v�g�talien et non pas straight-edge�� dit un straight-edger, commentant son attentat contre un Mac Donald. Les straight-edgers ont clairement l�intention de revendiquer d��ventuels attentats � titre personnel, dans le but de ne pas incriminer l�ensemble du straight-edge. Les rapports entre straight-edge et action directe sont de plus � relativiser�:���les liens entre le punk, le straight-edge et l�action directe et violente sont beaucoup plus diffus [ qu�on ne le dit]��. En ce qui concerne les actions des straight-edgers, il y a d�un cot� l�Utah, o� de nombreux attentas ont �t� commis par des straight-edgers au nom de la lib�ration animale�; et le reste du monde o� les actions des straight-edgers sont beaucoup plus symboliques. A notre connaissance, il n�y a jamais eu d�actions engag�es par des straight-edgers contre des compagnies de cigarette ou d�alcool. Pour Brian Dingleding�: ��le morceau Firestorm n�a � mon avis jamais conduit � aucune chasse au dealer��. Les actions des straight-edgers restent donc largement symboliques, ce sont en fait plus des discours que des actions. Comment alors expliquer cette faiblesse des actions�? Outre la conception individuelle du straight-edge, o� il convient de ne pas faire de pros�lytisme, deux explications peuvent �tre avanc�es�: le rapport au politique des straight-edgers est peut-�tre diff�rent. Ce sont des jeunes, hors du mainstream, qui n�ont peut-�tre pas confiance dans le syst�me politique conventionnel. Leurs actions ne trouveraient donc pas d�autres modes pour s�exprimer et resteraient ainsi des discours. Mais la musique a vraisemblablement aussi un r�le dans cette faiblesse d�action. De vecteur du discours straight-edge, elle deviendrait une fin en soi. De nombreux straight-edgers feraient de la musique pour elle-m�me et s�y investiraient beaucoup plus que dans le straight-edge en tant que tel. La musique serait devenue plus importante que le straight-edge. Pour preuve, le r�le des labels qui dans la quasi-totalit� des cas distribuent et produisent des groupes straight-edge, mais sans faire par ailleurs de propagande straight-edge. |